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dimanche 1 décembre 2019
Vive les ieuvs
Elle se dit qu'elle n'aurait jamais du accepter de poser pour cette couverture de magazine. Même contre la promesse d'un abonnement à vie et d'un cachet correct. Elle dit correct parce que sans avoir jamais été Linda Evangelista, il fut un temps pas si lointain ou son agent fixait ses prix bien au-delà d'un smic mensuel pour 1/2 journée de pause. Aujourd'hui elle fait moins la maligne. Parce qu'elle a bien calculé, sa retraite, elle ne la touchera pas avant au moins 17 ans. La faute à ses années sabbatiques à parcourir le monde en vivant de pas grand chose sur des yachts de milliardaires aussi désoeuvrés que friands de grandes beautés brunes. Les années ont passé et aujourd'hui on lui propose de jouer les top models sénior pour un dossier spécial sur les vieux en 2050. Elle a bien calculé. En 2050, elle aura 80 ans. Ce dossier spécial parle d'elle. Et ça la déprime. Elle espère que le traitement graphique de la couverture la mettra au moins en valeur. Winston, le DA lui a dit "Chérie, ça va être formidable. On va demander à un illustrateur génial d'interpréter la photo avec ses codes. Tu vas adorer". Et là, à moitié assise, avec son haltère dans la main et son académique gris souris, elle est prise d'un doute.
jeudi 24 août 2017
Pêche miraculeuse
(ça fait tellement longtemps que je n'ai pas écrit que je ne sais plus comment faire. Tout à l'heure, j'ai failli aller m'allonger dans une chaise longue avec un livre avant de réaliser que je ne suis plus en vacances, que le ciel est gris et que le monde a fort fort bruissé pendant que je brunissais, comme en témoigne la to-do list de la fin août. Retrouver mon ordi me fait finalement le même plaisir qu'enfiler mon maillot le premier jour de plage : anticipation, plaisir et trouille de ne pas être à la hauteur).
L'action se passe dans un entrepôt Emmaüs.
Emmaüs était un des magasins préférés de ma mère, qui nous a petit à petit convaincus que, faisant fi de toute apparence, le beau, le pratique, l'inespéré peuvent vous y sauter dans les bras ; promesse de bonne affaire mâtinée de bonne action - autant dire un incontournable, pour autant que l'on puisse être sur place un jour où l'endroit est ouvert.
L'espace, grand, est méticuleusement séparé en pièces délimitées par des meubles.
Animés par le seul désir de nous promener sans intention particulière, nous concentrerons notre attention sur un coin qui pourrait s'appeler "vide grenier", soit un tas de petites choses de maison sans grande valeur, qu'on aurait pu appeler "des affaires de ménages" : assiettes, bols, verres, cendriers de tous les jours, témoins privilégiés de la vie quotidienne. De l'arcopal, du verre blanc, de la terre cuite, on est plus dans une ambiance de fin de vide grenier que dans une brocante au village suisse.
Tous les articles sont proprement disposés sur des étagères et des tables à tréteaux recouvertes de tissus unis. L'après-midi s'étire, les clients furètent, les bénévoles attendent les clients et deux-trois manutentionnaires sont en train de remettre en place le coin "couture" aujourd'hui fermé.
Quand, soudain, apparait, coincée entre un vase d'inspiration sino-Ikea et un cendrier marqué du sceau de la ville de Dieppe, cette tasse en verre.
(Ca tombe mal, des tasses et des mugs on en a plein les placards, ce n'est vraiment pas ce que l'on cherche).
Et cette tasse, l'air de rien, sait se faire remarquer. Parce que, justement, elle n'a l'air de rien.
Comme si le verrier avait voulu s'inspirer de ses soirées à regarder Dallas ( la bouteille de whisky de JR, carrée et sculptée comme un diamant) et de sa folle semaine à l'Oktoberfest en 1978 (la chope de bière, ronde et massive) pour créer le récipient idéal et délicat de son Ricoré du matin, dans un format somme toute réduit (on approche plus des 25 cl que de la pinte).
Une incongruité forcément réjouissante, vendue 2 euros, signe que la magie d'Emmaüs agit toujours, et qui traîne désormais au milieu du comptoir de la cuisine, offerte aux rayons du soleil avec lesquels elle joue volontiers, comme une starlette de la croisette.
PS : la chasse a également rapporté 6 petits verres dentelés Duralex (aussi appelés "verre de mamie spécial limonade qui pique très fort"), 3 sachets de Playmobil-qui-ont-tous-leur-cheveux-ce-qui-en-soit-est-exceptionnel, une véritable chope en verre et un mini vase en pseudo porcelaine bleu ciel.
jeudi 30 mars 2017
Séché
Face à face. les pieds sur le siège de devant. L'allure savamment décontracté et l'arrogante beauté de cette jeunesse qui n'existe que quelque part autour de 22 ans (avant ils sont encore engoncés dans leurs habits de lycéens taillés par leurs parents selon leurs désirs de parents et après ils ont dans les yeux un éclat de tension qui vient de s'être déjà frottés aux horaires imposées, à l'idée de devoir y arriver mais pas toujours à quoi et à l'envie de ne rien laisser passer).
Deux jeunes hommes donc. Ni gros ni maigres, ni grands ni petits, ni caricatures de sportifs ni portraits robots de geeks au teint pâle.
On comprend assez vite, et sans trop chercher à y prêter attention d'ailleurs, qu'ils parlent régime.
Leur conversation s'impose. On notera à leur décharge que leur échange est tout à fait bonhomme et qu'ils ne cherchent nullement à attirer l'attention. Ils parlent, tranquilles, faisant porter leur voix dans le wagon sinon à peu près déserté de ce début d'après-midi légèrement entorpeuré dans cette premier journée de chaleur de printemps.
- L'important, c'est que tu brûles plus que tu ne consommes, tu vois. Quand t'as faim tu remplaces par plein de salade. Des pommes aussi. Pas de pain, pas de riz, pas de pâtes. Comme ça tu sèches.
- Pas de viande ?
- La viande faut faire gaffe. Tu manges des pommes. Et surtout pas de sucre.
(soupir effaré du deuxième. On l'imagine, dépité, manger des pommes et de la salade alors que le monde entier autour s'empiffre de MacDo) : Et tu fais ça longtemps ?
- Nan, tu peux le faire un jour avec, un jour sans.
- Mais pendant combien de temps ?
- Jusqu'à ce que t'as le résultat que tu veux. Là je vais le faire un mois.
- Ah ouais. Mais alors le matin, tu manges quoi ?
- Une pomme
On sent dans les relances du second que ses envies de ressembler à GI Joe, de devenir l'Apollon du dancing, le bellâtre aux tablettes de chocolat, s'amenuisent à mesure que le premier lui annonce le mois de privation à venir.
jeudi 23 mars 2017
Martine's women agency
12 heures 30. Belinda se hâte rue de Marignan. Ses talons bobines claquent sur le trottoir et le vent souffle, mettant en péril la coiffure élaborée de la jeune femme qui tente malgré tout de garder la tête haute et le souffle régulier. Hors de question d'arriver rouge tomate devant Martine.
Martine est une femme à qui on ne joue pas le jeu de l'excuse bidon. Martine a passé l'âge. Elle tient son agence d'une main de fer et ne tolère aucun écart. Au départ, c'était un jeu, un passe-temps amusant : avec son entregent et ses connaissances, elle avait proposé de rendre service à ses riches amies qui avaient besoin de personnel ponctuel et bien né. Sa fille était adolescente et était toujours à la recherche de petits boulots pour arrondir ses fins de mois et financer son shopping. Jolies, bien habillées et très bien élevées, elle et ses amies faisaient un tabac dans les diners et les pince fesses organisés dans les salons des beaux quartiers.
Et puis, un jour ,Martine s'est prise au jeu. Elle a monté son agence, pris des bureaux à côté de Champs Elysées, embauché une assistante et fait visser sa plaque sur la façade.
Martine's women agency. Un nom qui claque.
Loin des flonflons des noms d'agences de mannequins et du racolage des boutiques d'hôtesses :
son prénom en avant, sa carte de visite, son oriflamme,
et puis une touche d'anglais pour la classe
et le mot women pour bien signifier aux importuns chasseurs de filles faciles de passer leur chemin.
La clientèle de l'agence aime chasser le soleil toute l'année, rester dans un entre soi rassurant, se protéger du scandale et des étrangères aux pouvoirs vénéneux. Elle apprécie le calme tranquille de Martine et sa totale discrétion.
30 ans plus tard, Martine est un peu lasse mais elle tient toujours la barre.
Un jour ou l'autre elle dévissera la plaque et fermera ses bureaux. Emportera ses petites histoires et ses grands secrets avec elle à Cassis, dans sa villa avec vue sur la mer, et coulera des jours heureux, loin de l'agitation de la vie parisienne et de ses socialites qui tuent le métier à petit feu avec leurs jambes kilométriques et leurs jupes aussi courtes que leurs idées.
En attendant, aujourd'hui, elle a rendez-vous avec une candidate.
12 heures 31 et l'interphone grésille.
Martine se lève, lisse sa robe, vérifie sa coiffure et se dirige vers la porte.
PS : en réalité, Martine's women agency est une agence de mannequin, sise au 15 de la rue de Marignan, à des années lumière de la douce nostalgie qui se dégage de son nom et de sa plaque (mais qui représente des femmes de tous âges plutôt chics).
mercredi 6 janvier 2016
La Riviera à l'angle de la rue d'Alger
Chaque jour je passe devant la boutique Missoni. Des robes en maille, des pantalons en maille, des costumes en maille. Des robes de cocktail légères comme un souffle, qui épousent les formes et dénudent les épaules. Rien de noir, rien de gris, rien de brut ni de raide. Camaïeu de couleurs subtiles, dégradé, imprimé délicat, de la couleur, plein de couleurs.
Rien de très pratique, de passe partout, de facile à porter tous les jours. Ce n'est pas l'idée. Du tout.
On monte avec légèreté dans un Riva rutilant de vernis fraichement refaits, et on file à belle allure sur une Méditerranée plate comme un lac. Formentera, Capri, Monte Carlo, peut-être aussi un peu de Sardaigne aussi. L'air sent l'eucalyptus, les mimosas, les lauriers fleurs. Dean Martin en bande son, des chanteurs italiens désuets aussi forcément. Et puis ces villas perchées sur les hauteurs, les bougies, les piscines et le stuc, les baies vitrées et devant les yeux, la mer scintillante et le soleil éclaboussant qui donne envie de se prélasser sur une chaise longue, sous un parasol.
Pouahhh, rien de mièvre ni de bling bling. Luxe discret et omniprésent. Parfums lourds et raffinés. Loup mariné et artichauts poivrades. Salades de framboise et du champagne. Ah... le champagne. Rien de noir, rien de gris, rien de brut ni de raide. Camaïeu de couleurs subtiles, dégradé, imprimé délicat, de la couleur, plein de couleurs
dimanche 18 octobre 2015
Comme un roc
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National Geographic Fund. Bruce Dale |
Elle en parle avec tendresse et fierté infinies. Un peu effarée aussi, surprise, épatée d'avoir fait ça. Elle dit "ça" parce qu'elle les a vus tout petits, innocents et accrochés à ses flancs, elle a cru qu'ils resteraient comme ça à tout jamais. Des mini d'elles, elle devant et eux derrière, comme une poule et ses poussins, étendant ses ailes protectrice et nouant leur écharpe sous leur cou.
Et puis, d'abord indiciblement, puis tout à coup spectaculairement elle les a vus grandir de partout, se découvrir un appétit d'ogre, des manières de jeunes tigres affamés qui viennent étancher leurs envies de gras, de lourd, de protéine à toute heure du jour et de la nuit.
Tout d'un coup elle n'a plus su par quel bout les prendre. Trop grands, trop forts, et explosant de vie.
(la suite après le saut)
jeudi 5 février 2015
Un porte clé en forme de coeur de Yosemite
Sur la ligne 3 entre Saint Lazare et Opera. Il est tôt, il fait froid dehors et chaud dans le métro et le contraste entre les deux donne à tout le monde une tête bizarre et ensommeillée.
Debout au milieu de la rame, emmitouflée dans son manteau noir en peau retourné à capuche, elle attend sereine que la rame s'ébranle et que sa journée commence.
Un manteau noir, des chaussures noires, un casque de cheveux noirs et accroché au sac à main en cuir noir, un porte clé façon cristal de Baccarat taillé en forme de coeur et cette inscription en lettres à l'anglaise : Yosemite.
A des milliers de kilomètres de là, je l'imagine l'été dernier, en bermuda blanc impeccable et t-shirt imprimé, faire une halte à la boutique de ce parc national de Californie et craquer pour un souvenir à 5 dollars vendu par une caissière un peu lasse : un porte clé en plastique transparent dans lequel le soleil se reflète, jetant des éclats dorés sur sa jolie couleur rubis.
Une babiole qui lui fait de l'oeil et qui ira rejoindre les jean's Levis tellement moins chers que chez nous, les sweats Abercrombie et le bidon-de-moutarde-comme-dans-les-fast-food qu'elle va rapporter dans ses valises.
Un souvenir qui, prévoit-t-elle, lui rappellera les bons souvenirs de ce voyage à la découverte du Grand Ouest Américain (avec des majuscules) qu'elle rêvait de faire en famille depuis des années.
Et, de fait, rentrée à Paris, elle a accroché son coeur à son sac à main et depuis, sourit quand son regard tombe dessus, de temps en temps, à la faveur d'un changement de métro, par exemple.
lundi 26 janvier 2015
Le photographe
Il y a les photographes de mannequin, "oui c'est bon bébé, séduis moi" qu'on imagine toujours entre deux avions, entre deux shootings sur des plages paradisiaques et dans des lofts du Meatpacking District, entourés de mannequins aux jambes télescopiques et d'assistantes semi hystériques qui frétillent derrière les flash
Il y a les photographes culinaires "waouh regarde moi cette courgette" qui passent 12 heures sur un risotto au safran, à traquer les ombres sur les grains de riz.
Les photographes de fashion weeks aussi qui développent des stratégies quasi militaires pour s'arroger de haute lutte la bonne place au bout du catwalk et sont les seuls à ne finalement pas du tout profiter du spectacle qui s'offre devant eux, à quelques centimètres.
(la suite après le saut)
mercredi 18 juin 2014
Une part de quiche dans le freezer
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Lisa Golightly (allez voir son site c'est beau) |
Un samedi soir au rayon saurisserie du Monop.
La lumière est crue, les caddies sont pleins et on lit dans les yeux des employés affectés au remplissage des rayons toute la fatigue de la journée la plus chargée de la semaine.
C'est pas guitte guitte comme ambiance, sans doute qu'on serait mieux les pieds nus dans l'herbe, à essayer de cueillir des pâquerettes entre le gros et le moyen orteil, une bière fraiche à la main, tout en maintenant le niveau minimum d'une conversation paresseuse et tranquillement jouissive avec ceux qu'on aiment.
Et pourtant.
mercredi 28 mai 2014
Le fou rire de Kate
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Kate the Great |
Qu'elle s'appelle Kate comme Kate Moss même si ça n'a rien à voir parce qu'elle est née en Floride au bord de la plage de Naples et pas du tout dans les brumes anglaises.
On dirait que son enfance, c'était l'école, le Dr Pepper, les donuts, Hunger Games et des baskets Keds immaculées en septembre et défoncées en mai.
Un jour, juste après une partie de soft ball sur la plage, elle a été repérée par un talent scout. Il a demandé à sa mère, Sheryl, si ça lui dirait que sa fille fasse des essais pour faire des photos.
jeudi 27 février 2014
English vocabulary : Merry-go-round
merry-go-round |ˈmɛri ɡoʊ ˌraʊnd|nouna revolving machine with model horses or other animals on which people ride for amusement.• a large revolving device in a playground, for children to ride on.• a continuous cycle of activities or events, esp. when perceived as having no purpose or producing noresult: the football management merry-go-round.
Dans une décapotable, sur la corniche avec du vent dans les cheveux et la journée devant soi pour découvrir les calanques.
S'arrêter dans un petit restaurant de plage avec une canisse qui protège du soleil. Les pieds nus dans le sable et une salade tomates fraîches arrosées d'huile d'olive. Les yeux droits vers la mer qui scintille au loin.
Avant de reprendre la route vers 4 heures une fois le trop chaud de la journée passée, en écoutant Dean Martin très fort pour couvrir le bruit du moteur.
Et d'arriver en début de soirée dans la ville.
Laisser sa voiture devant l'hôtel et monter prendre un bain. Se changer, choisir une jolie robe en soie rouge.
Re-sortir à la nuit tombée et partir rejoindre la fête dans la vieille ville, à pieds le pas léger et l'esprit effervescent.
dimanche 6 janvier 2013
Veille de rentrée
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Jak and Jil |
Il y a
ceux qui ont ouvert leur cahier de texte hier soir
ceux qui ont tout fait dès la première semaine et ont juste consacré deux heures à une relecture ciblée des points clés des leçons notés sur des fiches bristol format A5
ceux qui ont à peine ouvert leur cartable mais ont déjà choisi leurs vêtements de rentrée
ceux qui ont passé le dimanche devant la télé façon dernier repas du condamné avant de replonger dans la routine
ceux qui ont gardé pour la fin la révision la plus pénible, et ça les met d'une humeur de dogue
ceux qui ont hâte d'être à demain pour retrouver leurs copains
ceux qui sont au lit, malades comme des chiens histoire de bien gâcher leur dernier jour
ceux qui ont passé la journée à table, entre pain de poisson et vacherin, à écouter des histoires d'adultes sans intérêt et qui n'ont même pas eu la fève
ceux qui ont eu la fève et qui y voient là un présage d'année de pure baraka même si ça rime pas avec 2013
ceux qui ont passé la journée dans l'avion / le train / la voiture et vont être décalqués demain.
ceux qui n'aiment pas les vacances de Noël de toutes façons
lundi 10 décembre 2012
La fille qui rêve
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Have less, be more |
C'est l'histoire de la fille qui dit au revoir Monsieur à la boulangère,
La fille qui perd ses lunettes sur son nez
Qui sourit à sa copine dans la rue alors que c'est pas sa copine
La fille qui met de la crème de jour sur sa brosse à dent, du dentifrice dans ses cheveux et du gel sur ses joues
La fille qui se trompe de quai
La fille qui se prend la porte vitrée
C'est la fille qui trouve dans sa myopie l'excuse qu'il lui fallait pour laisser libre cours à sa tendance naturelle à être aussi tête en l'air, à vivre dans la lune.
Ca fatigue tout le monde sauf elle, mais elle sourit d'un air contrit alors on ne peut pas trop lui en vouloir.
dimanche 8 juillet 2012
Martin dans le train
C'est un jeune homme de 18 ans. Sweat à capuche, cheveux bruns emmêlés, eastpack graffé par des potes, van's défoncées et l'air de sortir de son lit.
A sa droite, son grand père, septuagénaire portant beau, chevalière en or et peau burinée, cheveux blancs plaqués et l'air digne de celui qui l'en pense pas moins mais qui sait se vêtir pour aller en ville. Devant lui, son épouse - c'est comme ça qu'il la présente quand il rencontre des connaissances dans la rue. Cheveux mis en plis, tailleur jupe couleur sable avec veste à manche au coude collants chair et souliers à lacets blancs compensés. Discrètes bagues en or, sillage de Canoe de Dana, l'air alerte et dynamique même si ses rhumatismes / son foie / son cholestérol lui font chauffer la carte vitale un peu plus qu'elle aimerait.
Ils prennent le train ensemble avant de se séparer à Saint Lazare. Ils se retrouveront plus tard. Mamie fait la conversation et essaie de réveiller ses deux hommes, l'un perdu dans ses pensées, et l'autre tout encore embué du sommeil qui assomme à l'adolescence, quand on est resté regarder des films jusqu'au milieu de la nuit, lumière stroboscopique, son saccadé dans le casque dans le silence de la maison profondément endormie.
Hugo ne sait pas trop quelle attitude adopter. Sa grand mère est si gentille, montre tant de sollicitude à son égard, essaie de recréer la complicité qu'il avait avec son grand père quand il était petit et qu'il passait tous les mercredis dans le jardin de leur pavillon.
Mais il a grandi, aujourd'hui il a ses potes, sa copine et le bahut loin de Paris et par moment il a l'impression d'être Gulliver au pays de Lilliput.
Et s'il sait qu'il adore ses grands parents, il se dit que leurs manières et leurs habitudes l'encombrent un peu. Son grand père et ses vues rétrogrades de la France, ses valeurs et sa rengaine nostalgique. Sa grand-mère et son obsession de plis sur les vêtements bien repassés, des plats mijotés et des desserts maison.
Il regarde dehors, hoche la tête machinalement, esquisse un sourire pour lui faire croire qu'il l'écoute. Elle fait semblant de ne rien remarquer et continue son monologue, heureuse d'être là avec ses deux hommes pendant quelques minutes.
mardi 3 avril 2012
Cintré
Pendu au milieu d'une penderie échappée d'un film des années 60.
Penderie plaquée bois clair, design épuré que l'on aimerait danois mais plus vraisemblablement sorti des mains d'un menuisier de quartier - quand il y avait des menuisiers de quartier et que le plaqué bois clair représentait le summum du chic.
Pendu au milieu de cette penderie, donc, un cintre classique en bois et métal attend un hypothétique courant d'air pour se dégourdir le crochet.
Un jour, ce cintre a quitté les rayons d'un tailleur pour homme de la Riviéra. C'est écrit dessus " Rafal.Luxe, Nice".
Solide soutien d'un costume de demi mesure lourd et minutieusement fini.
Emballé d'un papier de soi géant puis d'une housse en feutre.
De Nice à la penderie d'un monastère de la région parisienne il y a toute une vie.
Des mains et des habits.
Des hommes et des femmes pressés de se débarrasser de leurs vêtements de ville, soucieux de ne pas faire de plis ou de gagner de la place.
Des valises et des malles.
Des penderies et des perroquets.
Aujourd'hui il étend son luxe tout nu en attendant son prochain pull, sa prochaine veste, sa prochaine chemise de passage.
Indifférent au temps, la tête dans ses souvenirs.
Les éclats de soleil du mimosa, le roulement des galets sur la plage, et l'odeur d'étoffe et de cuir de la boutique Rafal.Luxe de l'avenue Jacques Médecin.
PS : aujourd'hui la boutique Rafal existe toujours à la même adresse. Elle a perdu le suffixe "luxe" et s'est spécialisé dans les "vêtements pour hommes et dames (gros)" (ici)
mardi 20 mars 2012
Love is hard
Elle n'a pas de temps à perdre.
Accrochée à sa poussette, un enfant à gauche et un autre à droite, elle trace sa route sur les trottoirs encombrés.
Même de dos, on sent la tension dans tout son corps, dans toute sa tête : déposer le petit chez la nourrice, déposer la cadette à l'école primaire et traverser la route pour laisser le petit à la maternelle. Attraper le train de 8 heures 32, et puis le bus, le métro avant d'arriver pile à l'heure pour embaucher. Le parcours est millimétré, chronométré.
Elle n'est pas bien réveillée mais ses pieds vont tous seuls.
Ses grands papillonnent autour d'elle. S'arrêtent pour regarder une trace sur le bitume, essayer de composer les codes des immeubles. Ca ne l'amuse pas, mais ça ne la dérange pas non plus. Elle repète machinalement "allez, venez" "dépêchez vous on va être en retard" en pensant au premier client qui l'attend et à la facture à faire pour Pottier. En pensant aussi à son lit qu'elle a quitté trop tôt et qui l'appelle. Elle aimerait bien prendre son temps, sauter dans les mini flaques avec eux mais ce n'est vraiment pas le moment. C'était dimanche au parc, ou l'été dernier à la plage. Là, elle a le train de 9 heures 32 dans le viseur et n'a vraiment pas la tête à se laisser attendrir.
Eux s'en fichent bien, ils vivent dans leur monde, affrontent des terreurs et font des découvertes merveilleuses, se chamaillent et profitent de la présence de leur mère jusqu'au bout du plus loin possible.
Ce matin, elle a attrapé une jupe, un collant et ses bottes en vinyle.
Elle est féminine elle aime les vêtements ajustés, près du corps, qui mettent en valeur sa silhouette nerveuse et sportive.
La jupe est en stretch, elle épouse ses formes et se plie à ses grandes enjambées sur les trottoirs encombrés. Elle est aussi très courte, juste sous les fesses, fond noir avec une inscription qui se répète comme une ritournelle tout autour du tissu : "love is hard"
lundi 14 novembre 2011
Presque
Tombée en arrêt ce matin devant cette photo où le personnage principal est le seul semble-t-il à ne pas se rendre compte qu'on le prend en photo. Alors on imagine ce que doit penser la fille au deuxième plan avec ses bottines MiuMiu, passée à ça de la gloire.
"Oh non, mais je rêve. Non mais c'est quoi ce cygne en plastoc qui me vole la vedette ?
A quoi ça sert que je me tue les pieds depuis ce matin avec LA it shoes des défilés de l'automne ?
Verte, je suis verte.
Quand je pense que j'ai attendu 4 heures devant les bureaux de Prada pour être sûre de choper la PA de Miuccia. 4 heures à poireauter comme une fille du Carlton pour arracher une paire de souliers de deux pointures trop grandes mais tellement désirables que j'en aurais collé des escalopes de veau au fond si c'est ça qui me les mettait à ma taille.
Et puis ce matin, cette évidence depuis mon dressing : une jupe aux genoux, un sweat blanc, et mes pompes : un look edgy sans être trop over the top, un combo un peu loose où les paillettes répondent au molleton avec le marine qui calme le jeu. Une tuerie.
J'ai failli tomber dans les pommes quand j'ai vu Scott fendre la foule comme un paquebot pour se diriger vers moi. j'ai pris l'air grognon, j'ai pressé le pas, tout ça, avec un don't-mess-with-me look, ça fait des mois que je scrute à la loupe tous les blogs pour copier l'allure de ces filles tellement chics, je le maitrise à mort aujourd'hui.
Et là, poum, qui débarque en sautillant devant moi ? Natalia. Natalia et son tutu du Bolchoï et ses mules. Natalia qui fait genre "j'ai un CODIR dans 10 minutes, et puis après un dej avec des investisseurs, suivi d'un shooting avec Eva. Je suis trop concentrée"
Je suis tellement sidérée que j'en esquisse un sourire.
Et moi alors ?"
dimanche 16 octobre 2011
Face à Face
Ils sont tous les trois debout contre la cloison. Un jumeau et sa jumelle sans doute - même taille, mêmes yeux, même bouche, même nez, et une toute petite jeune fille qui flotte dans son tregging.
12, 13 ans peut-être.
Vraiment plus des petits et pas encore des grands.
La plus grande des deux a des traits d'eye liner maladroits sur les paupières qui contrastent avec sa mise bon teint. On imagine le crayon planqué dans le sac, le rétroviseur de la voiture du n°20 de la rue, le frère qui s'impatiente et les doigts qui tremblent. Ca lui donne un air curieusement dramatique et aussi attendrissant qu'elle le voudrait fatal. Elle affecte une moue boudeuse et un peu supérieure devant sa compagne de route, sans doute un peu moins sûre d'elle.
Son frère est perdu entre son oreille droite et son oreille gauche. Linkin Park ou David Guetta ? Je me demande ce qu'il écoute mais ça ne le rend pas hystérique de joie. Son visage est impassible et il n'a que faire des piapias des filles à côté, même s'il reste tout proche de sa soeur, comme son miroir masculin.
- "9 heures 02, si on arrive à 7 c'est bon on est à l'heure"dit la grande
- "Oh lala, faut que j'apprenne à marcher vite, j'y arriverai jamais" dit la petite
- "tu t'y feras, on va couper par la rue de Budapest"
Mais ça ne rassure pas la plus jeune qui se met à se ronger nerveusement le bout des ongles, qu'elle a (mal) laqués de rose malabar mat. Bouououh, en voici une encore qui a échappé à la vigilance maternelle avant de quitter la maison.
S'ensuit un long passage en revue des profs de l'école. tous injustes, pas drôles, sadiques dans les notes et vraiment pas coulants avec les nouveaux.
Un peu plus loin dans le couloir, coincée entre une dame emperlousée fort encombrée de son sac Carrefour et un monsieur imperturbable, le regard fixé au loin, une jeune femme à queue de cheval et stylo rouge, corrige des copies, annote, barre et s'exclame sur le papier. Elle travaille vite, elle ne voit ni n'entend personne autour d'elle. Ses copies, son stylo et son écritoire improvisé sur son cartable. On sent la première de la classe devenue enseignante après un parcours sans faute.
A côté de mes petites collégiennes, c'est elle qui ressemble plus à une élève.
mardi 26 juillet 2011
Mardi, 11 heures 50
(ici)
A gauche :
- (feuilletant d'un air ennuyé son journal) Tu me passes les pages saumon quand t'as terminé ?
- (concentrée) Mmmmm. Attends, j'ai trouvé un article super intéressant de Kerdrel sur la dette américaine
- Non, parce que là ya vraiment rien dans La Tribune aujourd'hui. Sont tous en vacances.
A droite :
- (le pied gauche étendu devant elle, les sourcils froncés) Tu crois que je me fais tous les ongles en jaune ou bien je mets du rose aussi ? Ca serait sympa non ? Tu vois genre un effet Ebony and Ivory sous acide. Parait que c'est la grosse tendance à L.A cet été.
- (sans lever les yeux) je me demande bien pourquoi ce moteur ne tourne pas. Peut-être que si je passais un petit coup de brosse là. Ou bien il faut que je démonte. Pfft, on n'est vraiment pas équipés ici.
- T'as raison. Vaut mieux que je mette qu'une couleur. C'est plus chic.
(PS : la cape de zorro autour du cou des deux grands me fait fondre)
dimanche 19 juin 2011
Garden party
Les lampions qui se balancent doucement à la brise du soir.
Le murmure paresseux des conversations
Le champagne frais dans des flûtes en cristal
Les talons dans la pelouse. Oh et puis zut, les pieds nus dans la pelouse fraîche.
Des amis perdus de vue et qui se matérialisent, là, devant nous, et l'immense sourire qui s'ensuit.
Les joues rasées de près des hommes et celles, veloutées et parfumées des femmes.
Les cliquetis des bracelets et le pschhhhht de l'allumette pour le cigare. Pouah, ça sent trop fort, éloignez-vous les hommes. Laissez-nous refaire le monde sans effluves fumées.
Des toasts portés à l'été, à la nuit, aux projets.
Des chaises longues en coton qui accueillent des corps pas si fatigués mais un peu déstabilisés par les bulles. Une légère ivresse, toute légère, qui ne laissera pas de traces
Et les étoiles.
Mmmm, les étoiles.
PS1 : le site From Me to You est un blog de photographies qui rendent heureux.
PS2 : Ma migraine s'en est allée sur la pointe des pieds. Merci pour vos doux messages.
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