mercredi 13 janvier 2010

Chaussures de saison

Crédit Photos : Jak and Jil

Les températures remontent, on va pouvoir lâcher les godillots !
J'adorerais aller au bureau, jambes nues, avec mon gros bidon et ces Cheetah Prints Ankle Boots.
C'est fascinant les souliers de femme, non ?

Entretien


Rendez-vous à 8 heures 30 à l'autre bout de Paris, dans un gros immeuble imposant qui borde le périphérique.
L'annonce disait "8-10 ans d'expérience du contrôle de gestion, bonnes qualités relationnelles et présentation. Anglais requis, allemand souhaité"
La chasseuse de tête l'avait reçue deux heures. Elle avait décortiqué son parcours, posé des questions tordues, beaucoup souri et beaucoup croisé les jambes qu'elle avait fines et bronzées.
Une semaine après elle l'avait rappelée pour lui dire qu'elle rencontrerait son client dans les jours suivants. 12 jours plus tard,un coup de fil, une proposition de date, une heure.

Marion savait qui elle allait rencontrer, elle avait regardé dans Google. Profil Facebook fermé mais photo visible. Jeune, décontracté, plutôt beau garçon et les dents longues longues longues. Des articles pros qui datent et traînent sur le web.
Rien de palpitant à part un copain qui l'avait connu il y a longtemps et qui lui avait dit "ben, c'est quelqu'un dans ta branche, pas marrant, normal, quoi".
Une boite à 1 heure en transports de chez elle. 2 heures par jour. Elle s'était dit que tant pis, ça valait le coup de voir, de prendre l'air avant de s'enterrer vivante dans Excel et les logiciels de compta.

Elle avait pris sa journée pour être tranquille.
S'était levée tôt et avait avalé son petit déjeuner comme d'habitude. Avec un peu d'appréhension mais pas vraiment. Mauvais signe, ça.
Elle avait des ballerines aux pieds et ses talons dans son sac. Un peu maquillée mais pas trop. En pantalon et en veste de tailleur dépareillés. Façon , je veux bien jouer le jeu mais pas vendre mon âme.

Elle était arrivée en avance. 8 heures pile devant la porte. Close. Le père de Sybille appelle ça "prendre un pied de pilote". L'expression l'a toujours fait sourire. Comme si elle avait un pied de Tom Cruise-Maverick dans son sac, à côté de ses talons, qui lui sauverait la mise des fois qu'elle tombe en panne en route.

Elle s'était planquée derrière une camionnette pour changer de chaussures. Avait relu ses notes "mes 5 qualités et mes 5 défauts" "mon projet professionnel" "pourquoi le poste m'intéresse". S'était remis du baume pour les lèvres. Et avait regardé la tête des salariés qui arrivaient en avance et passaient la porte tête baissée.
Pas marrant marrant effectivement. Mais qui a envie de rigoler un vendredi matin dans la brume à 8 heures ?

Et si elle n'y allait pas ? Prétextait un arrêt intempestif du RER, un accident voyageur, une gastro fulgurante, un contretemps professionnel ? Mais elle aurait fait tout ce chemin pour rien. Et Marion ne faisait pas du chemin pour rien.

A 8 heures 40, elle a fini par appeler son rendez-vous sur son portable. "Non, je ne suis pas en retard, je suis en bas, mais personne n'est arrivé pour m'ouvrir. Oui, je vous attends. Merci". Il est descendu, lui a ouvert le portillon en s'excusant et l'a accompagnée jusqu'à une salle de réunion anonyme.

A 8 heures 55.
Elle est sortie en fulminant.
Tout ça pour ça ? Ça s'appelle un rendez-vous pour du beurre, pour faire plaisir au chasseur de tête, pour ménager les susceptibilités ou pour respecter la charte. Il lui a posé des tas de question sur sa boite, sur ses chiffres, sur les perspectives de l'année. Lui a présenté le poste en quelques mots. A demandé si elle avait des questions.
Et s'est levé en disant "je vais prendre connaissance de votre CV et je vous rappellerai".
Elle s'est mordue les lèvres pour ne pas lui demander pourquoi il l'avait fait venir.
Elle s'en est voulue de ne pas avoir dit ce qu'elle pensait. 2 heures de transport pour ça ?

Elle est repartie vers le métro et a pris la direction du Marais.
S' est dit qu'elle a bien gagné le droit de faire ce qu'elle veut, de redevenir de bonne humeur en allant dans un quartier qui ne lui rappellera pas son boulot.
Elle est arrivée trop tôt. Elle attendu l'ouverture de COS en allant boire un grand crème dans un salon de thé désert. Avec le Parisien. Uniquement la page Potins du Parisien.

A été la première à entrer dans la boutique. A attrapé 2-3 articles.
Est entrée dans la cabine et a essayé.


Elle prend une photo et l'envoie à sa copine
"Rdv pourri déjà oublié. Ai fait de super affaires chez COS. Bisous".

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