Un jour on se réveille avec le regard de
l’entrepreneur interro-résigné imprimé dans sa rétine.
Un jour on se rend
compte que même si on se fait tout petits derrière les bâches, on se sent de trop
dans sa propre maison et on nous fait
comprendre que si on veut avoir une infinitésimale chance de terminer ces
travaux à l’heure, il va falloir débarrasser le plancher – au sens propre.
De peur se de réveiller le jour suivant cernés
de gars en blanc armés de masse et prêts à en découdre avec le bois pas si
massif du-dit plancher, on se décide à déménager.
Déménager une maison habitée depuis 10 ans
par 5 puis 6 personnes, au cœur de l’été et pour quelques mois seulement, c’est
piece of cake, darling.
On finit par rêver une nuit qu’on est tous devenus des
escargots. Un peu gluants et collants, un peu pâlichons et tristounets avec
notre uniforme beigeasse à vagues rayures, mais avec leur maison sur le dos. On
sous estime les escargots.
Une fois réveillés, on se rassure en se disant
qu’on a déjà fait un gros travail de tri et de déménagement de plein de trucs.
Hein, ça va aller vite, hein ? Comme on aime bien l’action façon boule de
flipper, on trouve une maison qui colle tout bien au cahier des charges (pas loin, pas chère, libre) et le
temps d’un week end, entre deux soirées très festives et sous un soleil de
plomb, on joue au grand jeu des vases qui communiquent.
Le soir, on s’endort, fourbus, dans son lit enfin
retrouvé, avec une couette propre qui sent la lessive… Félicité…
Et on se réveille le lendemain, les yeux collés par le sommeil, avec le bruit
d’une moto qui ronronne pile sous sa fenêtre en se demandant où on est.
Il faut dire que le choc est rude.
Alors même que ça fait deux mois que l'on passe ses journées à comparer et choisir carreaux de ciment et grès cérame, béton ciré, murs pastels, ambiance scandinave, "épure d'une décoration foisonnante où se mêlent harmonieusement le meilleur du vintage ponctué de touches contemporaines", là tout à coup, on se retrouve brutalement propulsé façon boomerang dans un paysage d'une cohérence exemplaire, certes, mais fort éloigné de notre nouveau Graal d'urbains parisiens abonnés à Milk décoration.
Une décoration où le bois règne en maître dans une version rustico-rupestre déclinant un camaïeu de marron-châtaigne-caramel-danette s'accordant subtilement à la céramique de la salle de bain, celle du plan de travail, la crédence, la baignoire et ôôô comble de la délicatesse, du double évier.
Les années 80, vous me recevez ? Pour un peu, on fouillerait les cartons pour retrouver ses chaussettes de ski et son t-shirt Mickey avant de regarder Récré A2 dans le canapé en mangeant des BN. C'est à la fois réconfortant de retrouver un décor pas si éloigné de celui dans lequel on a grandi et en même temps troublant de s'imposer au milieu de cette harmonie avec tout notre barda pas très raccord. C'est ce qui doit s'appeler un choc des générations.
Pendant ce temps, l'entrepreneur, ravi, attaque à la masse les murs du salon en sifflotant.
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