dimanche 7 février 2016

Point Mousse




(l'autre jour cette femme dans le train. La cinquantaine soignée, cheveux courts et rouge à lèvre vif. regard décidé, verbe clair et voix posée. De belles mains qui n'ont pas peur de vivre et un pull spectaculaire. Rouge éclatant, point mousse, col rond. Je me glisse à une place à côté d'elle, aimantée)

Point Mousse comme une écharpe jamais terminée. Commencée en cours de tricot en 9ème (*), chaque rang montant plus lentement que le précédent, progression freinée par l'incompréhensible irruption de trous entre deux points qui obligent à défaire et à recommencer. Impression d'être une Pénélope de 9 ans, attendant un Ulysse visiblement occupé à autre chose. Sentiment d'impuissance, amplifié par l'apparente et déconcertante facilité avec laquelle la prof - ma mère pour ne rien arranger, monte les rangs à la vitesse de la lumière.

Un pull  fait main. Incongruité au milieu d'un quotidien millimétré, habité d'ondes et d'octets du lever au coucher. Le choix de la laine, le calcul du nombre de pelotes, la sélection des aiguilles et le patron sur un papier fin plié dans le sac à ouvrages. Cette fois ci ça ira vite : pas de motifs, un point simple, des grosses aiguilles. Mais quand même les heures à monter les rangs, compter et réduire les côtes.  Devant la télé ou au coin du feu en écoutant la radio. Et puis assembler les manches, les côtés, le col. Les essayages devant la glace. 







(*) oui, un jour, les élèves de CE2 (on disait 9ème) ont eu des après-midis de tricot. Des heures de cuisine aussi.

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