mercredi 29 juin 2011

Rendez-vous à 10 heures 30 à Réaumur Sébastopol


Hier, chaleur écrasante sur Paris. On se croirait dans 37,2° le matin. Pour la température, hein, pas pour la scène d'ouverture.
En avance pour mon rendez-vous. Mes talons qui brillent dans mon sac, les ballerines aux pieds, je marche le nez au vent.
La rue de Montorgueil ressemble à un rêve d'Américain. Même le Starbucks se fait tout petit dans un recoin de la rue, tellement il ne veut pas dénaturer l'ambiance so Paris de ce bout du Sentier.
Y a-t-il un autre endroit au monde où les odeurs de viennoiseries et de fromage se mélangent comme ça sans qu'on ait mal au coeur ? Je sors de mon petit déjeuner et pourtant je rêve d'un bon repas, là tout de suite.
Les pavés se réveillent.
Les cafés sont tous dans leur jus. Je m'arrête à celui qui me tend les bras, là au coin de la rue de mon rendez-vous.
Mon voisin allume un barreau de chaise comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. C'est spectaculairement incommodant. Je me décale. La serveuse approuve, me dit que c'est dingue de fumer le cigare sur la terrasse mais ne dit rien au client.

Des Américains hésitent, tournent et finissent par s'asseoir à la même terrasse.
Ils demandent "deux Latte, s'il vus playy".
La serveuse leur rétorque "c'est quoi ça" jusqu'à ce que le client s'explique mieux. "Ah ouais, deux crèmes" et s'éloigne en roulant des hanches.
Welcome in Paris.

Je troque mes chaussons contre mes souliers de vair. Ouch, c'est acrobatique sur les pavés. Hardie petite, let's start the show.

En sortant de rendez-vous, dans le taxi, le skai colle à mon dos et je rêve de faire comme les chiens : me pencher par la fenêtre et sentir le vent chaud me rentrer dans les narines et siffler à mes oreilles. A part que je ne suis pas un chien et que le taxi est bloqué dans les bouchons.
Je sens la sueur couler et mes espoirs de rester digne et fraiche s'évanouir.

A ma gauche, une Jaguar s'extrait de la colonne sirupeuse des voitures. Elle est conduite par une femme blonde avec des grands verres fumés. Son immatriculation lui donne un sillage sulfureux : EVE 75.

Place de la Concorde, j'ouvre mes yeux engourdis par la moiteur collante et je me régale des ors de l'obélisque. Devant le Crillon, au feu, mon regard tombe sur une famille. Un couple et deux grandes ados. Encore des Américains on dirait. La fille n'est pas contente, elle secoue la tête, argumente avec les mains et son air pas commode tranche avec sa tenue estivale, en short et t-shirt cropped au dessus du nombril. Son père, tête de Marines en retraite, retire ses lunettes et plonge ses yeux dans ceux de sa fille pour lui répondre.  La mère et la fille attendent, mal à l'aise, et regardent les fontaine sans les voir.
Welcome (again) in Paris. City of love.

Le taxi s'envole et laisse mes touristes là où ils sont.
Il me pose devant le bureau.
Les fumeurs fument à l'ombre. Du feu dans la bouche et sur la peau. Mais comment font-ils ?
Les portes du bâtiment s'écartent devant moi, elles sont drôlement polies.
La climatisation me cueille et me réveille.

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