mercredi 16 octobre 2013

Used Book Café à l'heure du thé






C'est un café. Non c'est un salon de thé bizarrement foutu.
Un peu comme une bibliothèque dans une maison de famille.

Dans une vraie maison, il y aurait une cheminée et un feu qui crépite et il flotterait dans l'air une petite odeur persistante de poireaux, souvenir de la quiche préparée par la dame âgée des lieux qui pourrait être une grand-mère ou bien alors une tante que l'on aime beaucoup et que l'on va voir de temps en temps dans sa belle et vieille maison qui craque de partout.

Ici on est dans le café attenant d'un magasin du 11ème arrondissement dans un immeuble réhabilité avec une hauteur de plafond de fou, une luminosité éclaboussante, des verrières et des murs plus blancs que blancs. Avec du parquet brut et du béton ciré. Qui vend des draps de lins froissés et des fauteuils en rotin dont on avait oublié l'élégance brute à force de les voir trainer dans toutes les maisons de vacances meublées Emmaüs. Au sous sol il y a un restaurant, sorte de cantine à grandes tables communes et salades de graines germés, jus de fruits frais et serveuses diaphanes aux gestes déliés.
Tellement simple, sobre et de bon goût. Et cher aussi, alors on y bade, on y bave et on ne passe à la caisse avec un souvenir pas vraiment utile ni très onéreux mais qui donne l'impression d'emporter avec soi un peu de l'esprit so désirable des lieux.

Mais revenons au café.




Une pièce carrée un peu sombre et ouatée qui donne sur la rue prolongée par un long couloir lumineux bordé de petites tables rondes.
Pas de musique donc, pas d'odeur de poireaux non plus, mais des conversations de bon aloi échangées à mi-voix qui font comme de la ouate dans les oreilles.
Des meubles savamment dépareillés et des centaines de livres, tous à vendre, tous d'occasion, qui donnent au café son nom et aux clients l'envie d'enlever leurs chaussures et de s'enrouler dans un plaid pour replonger dans Kipling en attendant la fin de l'automne.
De la vaisselle nickel, une carte assortie aux lieux et une maîtresse des lieux qu'on imagine plus reconvertie d'une maison d'édition ou d'une grande famille aujourd'hui envolée qu'échappée de la salle d'une brasserie des grands boulevards.

De notre petit canapé deux places désuet, épuisés par des heures de marche dans Paris, la main dans la main et les yeux dans les nuages, on souffle et on applaudit au spectacle jamais ennuyeux du ballet des clients.
La jeune fille longue et blonde qui mord dans ses scones sans quitter de ses yeux son livre. La femme seule, thé détox et cake à l'orange, qui partage sa table avec une mini-tribu anglophone où une petite fille plus vraiment bébé est allaitée en direct et sans façon par une mère très gironde et où un homme agite son annulaire gauche sous le nez de ses compagnes pour faire deviner son récent mariage.
Ah, et les deux hommes aussi, l'un Américain bon teint, plutôt Brooklyn que Wisconsin, et l'autre, Français assurément mais si heureux de parler anglais qu'il en oublie de chuchoter et joue avec les mots et les sonorités comme on enfile des perles. En face, le New Yorkais, sourit, hoche la tête et l'écoute avec empathie.
Et les deux amies très chic, asiatiques, les mains serrées chacune autour de leur mug brûlant, qui rattrapent le temps passé et les derniers mois dans un échange animé. De loin, ça a l'air triste et gai, intense et doux.

Ca donne envie de se couler dans un coin une journée entière et de devenir invisible pour ne rien rater de ces bouts d'histoire que l'on devine à chaque table.





2 commentaires:

LinkWithin

Blog Widget by LinkWithin