450 000 personnes transitent chaque jour par la Gare Saint Lazare.
Des cadres pressés, des mères de familles avec poussette le cou tendu vers les affichages des voies, des compagnies de scouts et des touristes qui ont pris le tortillard depuis Versailles.
Des jeunes qui courent pour pas louper leur DS de maths et des jeunes aussi qui trainent tout l'ennui de leurs Nike défoncées devant le Burger King et ses 15 minutes de queue. Et puis des échappés du CAC 40 qui frôlent les quais et hâtent le pas, le Financial Times sous le bras pour ne pas rater LEUR table à la brasserie chic du chef étoilé Eric Fréchon et le contrat à 5 zéros qui va avec.
Sans oublier les retraités de la verte Normandie venus passer une journée à Paris et embrasser leurs petits enfants qui habitent là, quelque part entre la place des Ternes et Saint Georges.
Au milieu de cette planète à trois niveaux et 27 voies, juste en face des toilettes publiques où une dame pipi en blouse blanche empoche les pièces de 50 centimes avec la même rapidité qu'un ado s'enfile les M&M's, il y a un piano en libre service.
Un piano droit, laqué, collé contre la rambarde en verre qui surplombe la galerie commerciale.
Et peu importe l'heure, l'affluence ou le jour de la semaine, ce piano n'est jamais silencieux.
Bon, c'est pas toujours digne de la salle Pleyel ou du caveau de la Huchette. La valse d'Amélie Poulain et le dernier tube de Bruno Mars ont plus souvent droit de cité que Keith Jarrett.
Mais peu importe finalement.
Et le Clayderman de l'heure se retrouve souvent entouré d'un cercle d'auditeurs stoppés nets dans leur course après le 19 heures 04.
Car même si la dame pipi se plaint d'en avoir parfois plein les oreilles, pour le reste des petites fourmis qui empruntent l'escalier mécanique la tête dans leurs pensées, et bien, ces notes qui rebondissent sur les parois de la halle cathédrale métal et marbre, ça fait simplement chaud au coeur.
PS : Yannick Sanchez de l'Express a réalisé une courte vidéo intitulée "24 heures de la vie d'un piano de gare".
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