lundi 27 avril 2015

Vis la vie de Kevin




J'ai toujours entendu dire que pour beaucoup d'hommes, rouler en Espace était l'équivalent du soutien gorge d'allaitement pour les femmes : un genre de compromis vaguement honteux au statut de parent.

Quand on est ado, planqué sous sa couette à rêver de ce jour où enfin on mènera la vie que l'on mérite, on s'imagine en Beyoncé ou e, Jay Z, powerful et libre.

Libre de sortir toute la nuit, libre de dépenser son argent comme on veut, libre de ne pas avoir d'obligations qu'on ne s'est pas choisies, pas de rôti du dimanche ni d'après-midis plombées par la révision d'un partiel sans intérêt, truffé de chiffres et de dates abracadabrantes qui ne nous serviront jamais jamais à 16 heures quand on boira du champagne à même la bouteille sur la plage du Papagayo.
Dans ce tableau, on s'imagine rouler en gros 4x4 ou en petite électrique, voire sans voiture du tout parce qu'à quoi bon, Uber c'est pas pour les chiens.

(la suite après le saut)




Et il y a des trucs comme ça qui collent pas.
Comme rouler en Espace bleu marine avec des lardons braillards qui veulent regarder Dora l'Exploratrice et Power Rangers non stop sur la route de la maison de famille de Sologne ou du Morbihan où nous attendent les parents, twin-set et tweed assortis, et le rôti.

C'est pas qu'on les aime pas nos lardons braillards (ni nos parents, hein), ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, mais disons qu'on est un peu loin de notre vie rêvée d'adultes, où le seul fourgon qu'on imaginait était plein de sable, de planches de surfs, de Gisele Bündchen et de Simon Baker à la peau dorée et à l'accent exotique.

Mais heureusement, Renault a pensé à tout pour rabibocher sa cible prioritaire de jeunes CSP+ nostalgiques de Big Sur  avec son Espace.

Kevin Spacey.

Quinquagénaire revenu de tout, abonné aux rôles troubles et manipulateurs - vraiment pas papa poule, vraiment pas préoccupé par le rôti du dimanche, vraiment pas du genre à faire des concessions dans sa vie.
Le gars que plein d'hommes aimeraient être finalement une fois que la vague les aura repoussés fourbus sur le rivage et qu'ils se chercheront un nouvelle vie au sec, parce que ça va 5 minutes le sable entre les doigts de pieds mais une fois gouté le cachemire, finalement ça gratte.

Un genre de nouvelle idole en quelque sorte. Du genre à poser ses RTT quand ça lui chante et à négocier son salaire sans affect. Du genre à pas aller chez sa mère le dimanche. Ouais.

Ben, ce gars là, pourtant, il kiffe l'Espace.
Pas signe de gamins braillards ni de femme dans sa caisse, nan, le gars il roule tout seul dans sa voiture et il est bien.
Et là, ça ouvre tout un tas de perspectives cool pour le jeune père de famille contraint par sa progéniture nombreuse de lâcher sa berline pour une 7 places.
Pour un peu il va même pas attendre d'avoir des enfants, tiens.



(En revanche, pour les soutien-gorges d'allaitement, il ne semble pas que le génie publicitaire ait encore fait son oeuvre. C'est dommage).

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