Quand il était petit, il jouait avec sa soeur.
Des heures. Dans leurs chambres, dans la voiture, sur la plage.
A refaire le monde, à le redessiner avec des contours plus roses, plus flamboyants, plus magiques, où des destins merveilleux s'accomplissaient et que des bonnes fées donnaient des coups de pouces inespérés et rendaient les projets les plus faramineux aussi réels que les Niniches de la Potinière.
Des années ont passé, Jacques et sa soeur ont grandi, sont devenus adultes, responsables et plein de responsabilités.
Ils ont arrêté de partir en vacances, serrés dans la voiture, avec l'aspirateur sur les genoux.
Ils ont mis des kilomètres entre eux et des bouts de vie aussi. Ils ont eu des enfants, se sont mariés, ont décroché des CDI.
Ils ont appris que le hasard profite aux esprits préparés et on leur a rabâché que les fées avaient fui un monde où elles n'entendaient rien au CAC 40 ni au virus H1N1 et qu'il ne fallait plus les attendre.
Ils jouent le jeu tous les jours et ils tracent leur chemin. Plutôt bien, plutôt droits les chemins.
Mais Imagine ne les a jamais quitté.
Ils ont contaminé leurs familles, les ont poussées à oublier un temps le quotidien pour se plonger dans des rêves forcément fous. A libérer leur imaginaire pour repousser les frontières du plus loin possible.
Au début, les petits ont renâclé : "mais pourquoi se faire du mal à rêver à des trucs qu'on n'aura jamais ?" lui demandaient-ils, un peu perturbés. "moi, j'aime pas quand on change les choses, l'année dernière quand vous avez refait les peintures, ça m'a fait bizarre".
Et la femme de Jacques, quand il l'entraînait dans ses jeux en plongeant son petit Beurre dans sa tisane, ne comprenait pas bien non plus pourquoi elle devrait imaginer qu'un jour.... "un jour un éditeur t'appelle et te propose de te publier. Qu'est-ce que tu fais ?" "ben, je sais pas", disait-elle "ça n'arrivera jamais, comment il m'aurait trouvé ?"
Mais petit à petit, ils se sont tous pris au jeu. Timidement d'abord, et puis de plus en plus fort. Parce qu'ils ont vu aussi comme il est possible que de délires délirants naissent de beaux projets ou des vrais désirs nouveaux, auxquels ils n'auraient pas osé penser sinon.
Et quand Jacques voit sa soeur, ils recommencent, mais cette fois ci ils ne sont plus seuls dans leur bulle.
Ils sont bien : les pieds sur terre et la tête dans les nuages.
PS : désolée, John, ce post n'a rien à voir avec toi, ni avec ta chanson. Les doux délires de Jacques ne l'entraînent pas souvent à rêver à la fin des religions, des guerres et de la famine. Quoi que, il est cap', rien ne l'arrête.