Accroché à la barre du métro, il répète pour la troisième fois en articulant chaque syllabe pour être sûr d’être compris malgré le tunnel : « j’ai quatre corres’ et je ne sais pas quoi en faire », puis raccroche, dépité.
Quatre correspondants allemands plus précisément : haute taille, blondeur et sac à dos, deux garçons, deux filles, qui regardent le panneau de la ligne et essaient de lire les noms de stations en pouffant. Comme toujours, il y en a un (une en l’occurrence) qui joue les interprètes pour les autres. La question semble être de savoir quelle sera la prochaine destination.
En face, trois Français. Celui qui appelle au secours au téléphone et ses deux acolytes, à peu près aussi mal à l’aise et perplexes de devoir partager ainsi une fin d’après midi de juin avec des jeunes atterris depuis deux jours dans leur classe et qu’ils doivent se coltiner dans un Paris tout à coup très estival.
Ils ont le même âge, sensiblement les mêmes traits et la même silhouette, portent des baskets et un jeans. Et pourtant on les distingue sans peine. Pas la même façon de se tenir, pas le même délavage de jeans, pas les mêmes baskets ni la même coiffure. De chaque côté, on sourit pour marquer sa gêne, on parle très vite dans sa langue maternelle pour ne pas être compris par les autres et on échange dans un drôle de mélange de français, d’allemand et, évidemment, d’anglais. Un anglais qu’on s’applique à mâtiner d’accent yankee parce que d’un côté du Rhin comme de l’autre, la quintessence du cool se trouve plus à Big Apple que dans le Dorset.
On les regarde se dépatouiller de cette situation pas ordinaire et on se dit qu’une fois de plus la Tour Eiffel et les demi journées de cours partagés feront moins pour les rapprocher et leur donner enfin des sujets de conversations que le dernier titre de Beyonce passé à fond dans le car qui les emmène au Château de Versailles ou la finale de la Ligue des champions qui se joue ce soir là à Berlin.