Benno Graziani |
Ce post commence grâce à une chronique de Sophie Fontanel dans l'Obs sur les vacances de Jackie Kennedy et ses photos de l'été 1962, prises par un de ses photographes réguliers, Benno Graziani.
Au-delà de la nostalgie de l'argentique (on avait l'air tellement plus nets non ?) et de l'esthétique radieuse de ces années qualifiées de glorieuses par les économistes qui pourtant ne sont pas habituellement portés sur l'hyperbole sémantique, ce qui frappe c'est ce sentiment diffus qu'on ne prend plus de photos de vacances.
Je m'explique.
On prend des selfies, des natures mortes, des outfit of the day, des couchers de soleil (vous avez remarqué le nombre de couchers de soleil pris en photo cette année ? A croire que tout le monde s'était passé le mot), des Spritz avec le soleil qui se reflète dedans, des détails de panneaux marrants, des profils parfaits d'enfants sur fond bleu azur, des ventres serrés et des panoramiques vus de Drone, des photos un peu cruelles façon Martin Parr de nos voisins de serviette ou de table : toute une somme d'instantanés qui n'ont jamais moins mérité leur nom depuis qu'on peut les effacer jusqu'à atteindre ce qu'on pense être la perfection.
Tout cela compose un tableau léché comme un cornet de glace italien, propre, présentable, hautement désirable selon les critères de l'année. De la machine à like, du fuel à réseaux sociaux.
A part qu'en regardant les photos de l'été 62 de Jackie (où celle-ci avait semble-t-il bien relâché la pression de la présidence pour embrasser la dolce vita comme le raconte Sophie Fontanel), on voit autre chose.
Des cadres larges, des plans et des arrières plans, des poses qui n'en sont pas.
On voit des bouts de journée attrapés à la volée, des photos même pas posées, et, c'est drôle mais on imagine immédiatement beaucoup plus que ce qu'elles représentent.
Ces photos nous parlent.
Tant pis si la pose n'est pas parfaite, tant pis si la lumière n'est pas rasante ni dorée.
Tout à coup on regrette de ne pas avoir passé plus de temps à créer les témoins de ces moments là, de ceux que l'on redécouvrait l'un après l'autre dans une pochette de papier, assis au café au soleil ou bien encore debout dans le labo photo. En souriant béatement ou en fronçant les sourcils.
Et on se dit alors que rien n'est perdu et on cherche dans son flux si par hasard, on n'a pas oublié de trier quelques photos.
Et, forcément, on finit par trouver quelques pépites : des mouvements suspendus, des cadrages approximatifs ou des images attrapées à la va-vite, sans mise en scène.
Une fois trouvées, on se prend à les regarder d'un oeil neuf, à les chérir et à se promettre de ne pas les détruire ni de les publier mais peut-être même de les imprimer pour les coller avec soin dans un album photo qu'on regardera plus tard, les jours de frais.