Les plus belles photos prises dans les montagnes russes |
Lundi : déjeuner avec une copine de copine pour parler d'un projet d'association; pas de business model ni de perspective de monter la prochaine licorne qui nous obligerait à louer un yacht l'été prochain pour échapper à la foule des médias en délire. Juste plein de points communs et d'aspirations partagées, l'envie de développer les échanges et de changer le monde. C'est excitant, c'est exaltant, c'est aussi hyper concret. Le ciel est bleu, l'air est frais. Je suis la Reine du Monde.
Les heures de la journée glissent sur moi comme une ondée bienveillante.
Mardi :
8 heures : découvrir les yeux à peine ouvert le ciel orageux sur mon compte en banque. Râler contre Pôle Emploi qui traine à payer les indemnités.
9 heures : ouvrir mon compte et me rendre compte que le virement a bien eu lieu. Hélas. Abandonner alors arc en ciel, licorne et Reine du Monde et écumer Indeed, Pôle Emploi et LinkedIn à la recherche d'un travail super bien payé tout de suite là maintenant.
9 heures 05 - 10 heures : écrire frénétiquement 5 mails de candidature en oubliant toutes mes bonnes résolutions de ne pas me jeter sur le premier job qui passe. Avant d'appuyer sur la touche "envoyer", demander conseil auprès de ceux, bienveillants, qui observent et encouragent de loin.
10 heures 30 : recevoir des emojis horrifiés en retour. Secouer la tête et détruire les mails de candidature.
10 heures 31 : recevoir la notification de rappel de rendez-vous avec Pôle Emploi demain.
10 heures 32 : hésiter entre boire un café et avaler un paquet de Shoks pour oublier. Laisser trainer un regard affolé dans le salon. Me souvenir que non seulement je ne suis pas capable de trouver un travail mais en plus il y a du linge à plier / une machine à vider / un panier à repasser. La liste des Il FAUT s'allonge devant mes yeux comme la litanie des Saints à la veillée pascale. Envisager de me ronger les ongles, habitude perdue depuis 1996.
10 heures 42 : recevoir une notification de LinkedIn qui me dit qu'ON a consulté mon profil. Le coeur presque gonflé d'orgueil, cliquer et découvrir qu'une (seule) personne, déjà de mon réseau a regardé mon profil. Dégonfler mon orgueil.
11 heures : recevoir une notification de Runtastic qui me dit de ne pas oublier de "prendre un moment pour moi" et d'enfiler mes baskets. Envisager d'enfiler mes baskets 2 secondes avant de fermement refuser de céder à cette énième injonction numérique. Avec les notifications automatiques, j'ai l'impression d'avoir 15 ans et un directeur de conscience sur les épaules. Niet. Je suis pauvre, mais libre.
11 heures 45 : m'habiller avec autre chose que des vêtements mous, reprendre visage humain et sortir déjeuner sans avoir trouvé de solution et sans avoir faim.
15 heures 15 : rentrer du déjeuner sans avoir trouvé de solution, sans avoir faim mais avec la ferme intention de FAIRE quelque chose. Ignorer le linge, la poussière, les papiers et le linge à repasser.
15 heures 30 : Envoyer deux mails de relance, proposer de prendre un café à un nouveau contact.
15 heures 45 : commencer un post de blog en forme de mise en abime de l'abime de mes pensées. Me rouler dans la désespérance et l'auto-complaisance vaguement ironique et faussement détachée, ça va pas plaire au banquier mais au moins, ça je sais faire.
17 heures : le téléphone sonne à 5 minutes d'intervalle. Deux rendez-vous à venir pour du boulot.
17 heures 05 : gonflée à bloc, reprendre le projet d'association, écrire 25 idées en 3 minutes, trouver 10 articles parfaits, plier le linge, trouver la recette du pesto d'ail des ours et le faire dans la foulée, embrasser enfants et prendre photo de la glycine sous le soleil.