mercredi 30 août 2017

Rester en vacances



Imaginer le 30 août qu'il va nous falloir 11 mois avant de respirer de nouveau à pleins poumons et d'ouvrir nos yeux sur les beautés du monde est une perspective que nous nous accorderons à trouver toute à fait propre à déclencher des idées noires. 
Y ajouter par dessus le fameux "tunnel du mois de septembre" et sa litanie de soirées les doigts plein de scotch et de papier cristal et là c'est le suicide qui devient inéluctable.


Au risque de décevoir un certain nombre d'entre vous, dormir avec sa fouta de bain au sable incrusté dans les fibres n'apparait PAS comme la solution la plus mature ni la plus agréable de prolonger votre été (déjà senti un coquillage après quelques semaines sur une étagère ? Alors, vous voyez ce que je veux dire). 

En revanche (et là je vous vois pousser un soupir de soulagement) il existe des moyens à l'efficacité merveilleuse de prolonger le doux sentiment de plénitude du mitan de vos vacances.


lundi 28 août 2017

Sociologie de trottoir #1 : le pompier


Maarten Van der Kamp


Il est midi, c'est l'été, il fait doux et le vent souffle mollement dans cette rue piétonne. Les ménagères font des zig zags entre boulangerie, boucherie, pharmacie et Monoprix. Le postier roule sur son vélo électrique, les enfants trainent les pieds et les nounous papotent.
Les mamies marchent à pas comptés et portent leur demi baguette aussi précautionneusement que s'il s'agissait d'un verre en cristal. La police municipale fait sa ronde en discutant avec animation du dernier transfert du PSG avec un commerçant sorti prendre l'air. Des hommes en costume et des femmes en tailleur marchent d'un pas vif et se hâtent vers la gare toute proche.

Ils apparaissent tout à coup et passent en troupeau à une allure que l'on qualifiera d'allegro ma non troppo. Foulée aussi légère que leur short, t-shirt réglementaire ajusté au millimètre, coupe courte, rasage 5 lames, talkie-walkie à la ceinture et ce flocage sur le torse qui veut tout dire : "pompiers de Paris". Silencieux, si ce n'est leur respiration et le bruit de leurs pieds, qui heurtent en cadences les pavés de la rue.

vendredi 25 août 2017

Photos de vacances


Benno Graziani


Ce post commence grâce à une chronique de Sophie Fontanel dans l'Obs sur les vacances de Jackie Kennedy et ses photos de l'été 1962, prises par un de ses photographes réguliers, Benno Graziani.

Au-delà de la nostalgie de l'argentique (on avait l'air tellement plus nets non ?) et de l'esthétique radieuse de ces années qualifiées de glorieuses par les économistes qui pourtant ne sont pas habituellement portés sur l'hyperbole sémantique, ce qui frappe c'est ce sentiment diffus qu'on ne prend plus de photos de vacances.

Je m'explique.

On prend des selfies, des natures mortes, des outfit of the day, des couchers de soleil (vous avez remarqué le nombre de couchers de soleil pris en photo cette année ? A croire que tout le monde s'était passé le mot), des Spritz avec le soleil qui se reflète dedans, des détails de panneaux marrants, des profils parfaits d'enfants sur fond bleu azur, des ventres serrés et des panoramiques vus de Drone, des photos un peu cruelles façon Martin Parr de nos voisins de serviette ou de table : toute une somme d'instantanés qui n'ont jamais moins mérité leur nom depuis qu'on peut les effacer jusqu'à atteindre ce qu'on pense être la perfection.

Tout cela compose un tableau léché comme un cornet de glace italien, propre, présentable, hautement désirable selon les critères de l'année. De la machine à like, du fuel à réseaux sociaux.

A part qu'en regardant les photos de l'été 62 de Jackie (où celle-ci avait semble-t-il bien relâché la pression de la présidence pour embrasser la dolce vita comme le raconte Sophie Fontanel), on voit autre chose.
Des cadres larges, des plans et des arrières plans, des poses qui n'en sont pas.
On voit des bouts de journée attrapés à la volée, des photos même pas posées, et, c'est drôle mais on imagine  immédiatement beaucoup plus que ce qu'elles représentent.

Ces photos nous parlent.

Tant pis si la pose n'est pas parfaite, tant pis si la lumière n'est pas rasante ni dorée.
Tout à coup on regrette de ne pas avoir passé plus de temps à créer les témoins de ces moments là, de ceux que l'on redécouvrait l'un après l'autre dans une pochette de papier, assis au café au soleil ou bien encore debout dans le labo photo. En souriant béatement ou en fronçant les sourcils.

Et on se dit alors que rien n'est perdu et on cherche dans son flux si par hasard, on n'a pas oublié de trier quelques photos.
Et, forcément, on finit par trouver quelques pépites : des mouvements suspendus, des cadrages approximatifs ou des images attrapées à la va-vite, sans mise en scène.

Une fois trouvées, on se prend à les regarder d'un oeil neuf, à les chérir et à se promettre de ne pas les détruire ni de les publier mais peut-être même de les imprimer pour les coller avec soin dans un album photo qu'on regardera plus tard, les jours de frais.

jeudi 24 août 2017

Pêche miraculeuse




(ça fait tellement longtemps que je n'ai pas écrit que je ne sais plus comment faire. Tout à l'heure, j'ai failli aller m'allonger dans une chaise longue avec un livre avant de réaliser que je ne suis plus en vacances, que le ciel est gris et que le monde a fort fort bruissé pendant que je brunissais, comme en témoigne la to-do list de la fin août. Retrouver mon ordi me fait finalement le même plaisir qu'enfiler mon maillot le premier jour de plage : anticipation, plaisir et trouille de ne pas être à la hauteur).

L'action se passe dans un entrepôt Emmaüs.
Emmaüs était un des magasins préférés de ma mère, qui nous a petit à petit convaincus que, faisant fi de toute apparence, le beau, le pratique, l'inespéré peuvent vous y sauter dans les bras ; promesse de bonne affaire mâtinée de bonne action - autant dire un incontournable, pour autant que l'on puisse être sur place un jour où l'endroit est ouvert.

L'espace, grand, est méticuleusement séparé en pièces délimitées par des meubles.
Animés par le seul désir de nous promener sans intention particulière, nous concentrerons notre attention sur un coin qui pourrait s'appeler "vide grenier", soit un tas de petites choses de maison sans grande valeur, qu'on aurait pu appeler "des affaires de ménages" : assiettes, bols, verres, cendriers de tous les jours, témoins privilégiés de la vie quotidienne. De l'arcopal, du verre blanc, de la terre cuite, on est plus dans une ambiance de fin de vide grenier que dans une brocante au village suisse.

Tous les articles sont proprement disposés sur des étagères et des tables à tréteaux recouvertes de tissus unis. L'après-midi s'étire, les clients furètent, les bénévoles attendent les clients et deux-trois manutentionnaires sont en train de remettre en place le coin "couture" aujourd'hui fermé.

Quand, soudain, apparait, coincée entre un vase d'inspiration sino-Ikea et un cendrier marqué du sceau de la ville de Dieppe, cette tasse en verre.

(Ca tombe mal, des tasses et des mugs on en a plein les placards, ce n'est vraiment pas ce que l'on cherche).

Et cette tasse, l'air de rien, sait se faire remarquer. Parce que, justement, elle n'a l'air de rien.

Comme si le verrier avait voulu s'inspirer de ses soirées à regarder Dallas ( la bouteille de whisky de JR, carrée et sculptée comme un diamant) et de sa folle semaine à l'Oktoberfest en 1978 (la chope de bière, ronde et massive) pour créer le récipient idéal et délicat de son Ricoré du matin, dans un format somme toute réduit (on approche plus des 25 cl que de la pinte).

Une incongruité forcément réjouissante, vendue 2 euros, signe que la magie d'Emmaüs agit toujours, et qui traîne désormais au milieu du comptoir de la cuisine, offerte aux rayons du soleil avec lesquels elle joue volontiers, comme une starlette de la croisette.


PS : la chasse a également rapporté 6 petits verres dentelés Duralex (aussi appelés "verre de mamie spécial limonade qui pique très fort"), 3 sachets de Playmobil-qui-ont-tous-leur-cheveux-ce-qui-en-soit-est-exceptionnel, une véritable chope en verre et un mini vase en pseudo porcelaine bleu ciel.


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