"Ne discute pas, prend ton sac et suis moi"
La jeune femme devient toute blanche et tente de protester "Mais, comment m'as-tu retrouvée ?"
Manifestement pressé, l'homme ne prend pas la peine de lui répondre et lui empoigne fermement le bras
"Mais arrête, tu me fais mal, à la fin" gémit Marie-Christine
"Arrête de faire ta pleureuse, fais ta valise, la voiture attend en bas et je ne veux pas rameuter tous tes voisins. Ils m'ont l'air bien curieux ceux-là, et je ne veux pas d'ennuis. Tu m'en as déjà suffisamment causés".
La jeune femme se ressaisit, ferme la porte de l'appartement et se dirige sans attendre vers sa chambre. Là, elle ouvre la penderie, se saisit d'un sac de voyage et y jette quelques effets et un nécessaire de toilettes.
"Dépêche toi, je te dis, on ne part pas sous les tropiques. Tu t'achèteras ce qui te manque en chemin". L'homme est nerveux et fait les cent pas dans le salon. Au loin, on entend toujours le murmure des publicités à la radio.
A cet instant, Jean-Michel franchit les portes de son bureau, sans se douter un seul instant de ce qui se passe dans sa paisible résidence.
Il est à peine 13 heures 10 et la vie de Marie-Christine vient de basculer.
L'homme qui se tient devant la jeune femme est de taille moyenne. Âgé d'une quarantaine d'années, il porte sur son visage les stigmates d'une vie agitée. Ses mains sont robustes et burinées. Des mains de manuel.
Marie-Christine ne pensait jamais revoir ce visage aux traits durs. Elle l'avait enfoui au fond de sa mémoire et n'y pensait plus que ses nuits de cauchemars.
Il s'appelle Noël Labaret. Condamné pour meurtre, il vient de purger une peine de 15 ans à la prison de Fleury Mérogis et a été libéré le matin même pour bonne conduite.
Noël était le fils du garagiste de Chavelles, un petit village de Touraine.
17 ans, une carrure d'athlète et un sourire enjôleur. Et les 400 coups du dimanche au lundi. Un cancre qui faisait le désespoir de ses professeurs et passait plus de temps dans le bureau du proviseur que sur les bancs de sa classe.
Mais un cancre qui faisait tourner la tête de Marie-Christine Festool, la première de la classe, qui allait quelques années plus tard épouser Jean-Michel Delapierre, le fils du médecin du village.
Il y a 20 ans, Noël Labaret a été le premier flirt de Marie-Christine.
"Allez, grouille toi, on a de la route".
Noël sort de la cuisine. Il a éteint la radio.
On entend les oiseaux dans les arbres. La brise fait frissonner les rideaux du salon.
Marie-Christine prend sa valise, décroche son imperméable de la patère.
Ils sortent de l'appartement, descendent sans un mot les 3 étages de l'immeuble, et se dirigent vers une petite voiture garée un peu plus loin.
PS : tout au long de l'été, retrouvez les aventures de Marie-Christine par épisode.
Photo : A cup Of Jo