Crédit : Phoenix
D'abord on achète les billets. Plusieurs mois à l'avance pour avoir de la place. Alors, après on note la date dans un calepin et on colle les places sur le frigo. Souvent, on regarde la date et on se dit qu'on a le temps.
Et puis un jour, c'est le bon jour.
Le matin, on pense à s'habiller confortable mais pas randonneur, bureau mais pas bureaucrate, chaud mais pas trop. Un sac en bandoulière, des épaisseurs qu'on pourra laisser au bureau.
Sur le chemin, on se branche sur le dernier disque pour répéter les paroles et se mettre dans l'ambiance.
Pour une fois, on peut rester un peu plus tard au bureau. On laisse traîner pendant la journée l'air vaguement blasé "Oui, ce soir, je vais au concert". "Oui, j'adore, ça fait trois fois que je les vois". Moitié excité et moitié envie de rentrer se coucher "c'est quoi ces concerts le lundi ?"
19 heures. Il est temps d'y aller. Un dernier pipi au cas où, un stop au Shopi pour acheter une bouteille d'eau, un sandwich, une banane.
Le métro. Pas le même que d'habitude. On essaie de deviner qui va au même concert. Même look, même air aussi perdu sur ce trajet inhabituel.
On emboîte le pas à tous ceux qui y vont - au même endroit. En passant vite devant les vendeurs à la sauvette de vendeurs de merguez qui s'éclairent à la torche. Ca pue la merguez.
On arrive devant la salle.
On se fraie un passage entre les grands noirs baraqués qui font la police à l'entrée l'air faussement revêche, et ceux qui cherchent des places. Ou à acheter des places pour les revendre à d'autres.
Et les grappes de copains qui fument leurs cigarettes à la chaîne en battant le rappel des retardataires au téléphone "T'es où ? " "Mais qu'est-ce tu fous ? On t'attend"
On mange son sandwich et sa banane en attendant que tout le monde arrive. Et de temps en temps on dégaine le téléphone "T'es où ? "
On finit par entrer dans la salle. Contrôle du billet, du sac à main "Bonne soirée messieurs dame". On s'habitue au bruit. A la pénombre. "T'as vu les goodies ? Je m'achèterais bien un mug". On cherche une place. La fosse ou les gradins ? "Viens on s'assoit un moment et on descendra après"
On écoute à moitié la première partie. C'est quitte ou double les premières parties. Une super bonne surprise inattendue. Ou beaucoup de bruit pour rien.
A l'entracte, on mate. On écoute les conversations des voisins. On se raconte la journée. Mollement. On parle pas du concert. C'est trop tôt ou trop tard.
Maintenant il faut attendre.
Attendre encore
Le carré VIP est vide. Va falloir attendre encore
"Et toi, ta journée ? Tiens j'ai vu Machine dans le train ce matin. Elle va bien". Les conversations se languissent. On attend.
"Tu crois que j'ai le temps d'aller faire pipi ?" "Attends, regarde les VIP s'installent"
La lumière se baisse. Le concert commence. Le clameur monte et résonne dans le corps entier. La musique envahit tout. Les oreilles, les yeux, les cheveux, les mains. On est tout seul à un concert. Des milliers à être tous seuls. Le groupe ne joue que pour nous et pas pour les autres et en même temps on est porté par la foule. Le chanteur lève la main ? On hurle. Il parle ? On applaudit. Personne ne se regarde et tout le monde se fond dans l'instant.
Le groupe s'en va.
Petite concession à la vanité des artistes. Scander leurs noms. Hurler. Taper des pieds pour faire vibrer les gradins. Les Jeux du Stade qui reprennent.
Ils reviennent. Evidemment
Et ils jouent.
Et puis ils partent et malgré les cris, la lumière se rallume.
On cligne des yeux.
On se regarde un peu ébahis.
Remettre le pull, le manteau, l'écharpe. Se sourire et se dire des banalités. C'est impossible de retranscrire en mots ce qu'on a vécu. Mais on a vécu la même chose. C'est l'essentiel.
On recommencera ? On devrait en faire plus souvent.
PS : A l'heure où j'écris (il est 20 heures 40) le compteur de site indique 10 097 visites. Ma petite concession à la vanité. Et c'est bon. Et je me jette à vos pieds pour vous les baiser. Sans vous je ne suis rien. Merci.