dimanche 27 novembre 2011

Dans le bus 53



Le bus 53 traverse le 17ème arrondissement. Son versant chic. Grandes avenues bordées d'arbres, façades Haussmaniennes et petits commerçants. Une ligne de train aussi, le Parc Monceau très Catherine Deneuve et la proximité canaille des Batignolles.

Dans le bus 53, il y a une sur représentation de lecteurs du Figaro et du Monde cahier littéraire. 
Des dames très convenables et des messieurs très chics dans leur Barbour patinés, juste élimés à point. Du cachemire et des pardessus, des palettes graphiques d'automne et de vacances atlantiques. Des collants 16 deniers chair et des souliers Mephisto. Des chaussettes (hautes les chaussettes) en fil d'écosse qui dépassent d'une velours camel aux reflets éteints.

Pour les dames, souvent des cailloux qu'on devine très purs portés à l'annulaire gauche  avec tellement d'habitude qu'ils semblent un peu oubliés. Comme leur voisine la chevalière. Patinée par les ans, avec des armoiries sans aucune fioritures - celles de leur époux, celles de leur naissance. Pas de couteux brushing mais une coiffure tout terrain, nette et propre comme une friction à l'eau de cologne extra vieille de Roger et Gallet.

Ils sont dans le bus comme ils sont chez eux. Oublieux de l'environnement, dans leur bulle ouatée peuplée de bien nés, de belles lettres et de grandes chasses en Sologne. Le journal plié sur leurs genoux, prêts à pousser la porte de leur domicile parisien pour le Lapsang Souchong de 17 heures dont les volutes embrument leurs lunettes à monture en écaille.

Au milieu de la trépidation de la ville, c'est comme un petit bout de vie suspendue qui s'assoit pour quelques stations après avoir poinçonné son ticket d'autobus. Dont on ne sait s'ils sont sympathiques ou snobs, pédants ou délicieux. Tout occupés qu'ils sont à ne pas perdre le fil de leur flegme.



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