Petite fille, tu es dans la lune !
La maman se penche sur sa petite fille et remet une de ses mèches derrière l'oreille en lui caressant la joue.
A quoi penses-tu petite fleur ? Vers quoi les nuages t'emportent comme cela ?
Assise en tailleur par terre, la tête dans les mains et les yeux plongés dans le ciel, toute tranquille et détendue, les traits reposés et le regard vague, la petite fille n'entend pas la voix douce de sa maman, tressaille à peine sous sa caresse. Partie dans une petite bulle d'éternité, elle n'a que faire de ce qui se passe autour d'elle. Elle grandit, elle imagine, elle frémit aussi sans doute, laisse les lego des heures passées s'empiler et se ranger dans sa tête. Elle a tout le temps devant elle.
La maman s'éclipse et ferme la porte derrière elle. Sa petite fille est une rêveuse, elle est comme ça et après tout, pourquoi pas ? Elle aura bien le temps de se réveiller plus tard, la vie est longue et elle est au début du chemin.
Et puis, un jour, on grandit et notre temps est compté. On jongle en empilant plusieurs fois 24 heures en une journée. Il faut être efficace, rapide, décidé, opérationnel.
On apprend à maîtriser le temps masqué comme on respire : faire les courses en discutant avec une vieille copine au téléphone, lire dans le train du matin, déjeuner en surfant sur Internet, faire réciter une leçon en se faisant les ongles.
On se souvient qu'il faut souffler aussi un peu.
Alors on industrialise son repos du corps et de l'âme.
On apprend à méditer, on "prend du temps pour soi", on "décompresse" et on "se défoule". On apprend le "lâcher prise".
Comme si on avait enfoui Jean de la Lune trop loin en nous pour ne plus le retrouver.