lundi 28 août 2017

Sociologie de trottoir #1 : le pompier


Maarten Van der Kamp


Il est midi, c'est l'été, il fait doux et le vent souffle mollement dans cette rue piétonne. Les ménagères font des zig zags entre boulangerie, boucherie, pharmacie et Monoprix. Le postier roule sur son vélo électrique, les enfants trainent les pieds et les nounous papotent.
Les mamies marchent à pas comptés et portent leur demi baguette aussi précautionneusement que s'il s'agissait d'un verre en cristal. La police municipale fait sa ronde en discutant avec animation du dernier transfert du PSG avec un commerçant sorti prendre l'air. Des hommes en costume et des femmes en tailleur marchent d'un pas vif et se hâtent vers la gare toute proche.

Ils apparaissent tout à coup et passent en troupeau à une allure que l'on qualifiera d'allegro ma non troppo. Foulée aussi légère que leur short, t-shirt réglementaire ajusté au millimètre, coupe courte, rasage 5 lames, talkie-walkie à la ceinture et ce flocage sur le torse qui veut tout dire : "pompiers de Paris". Silencieux, si ce n'est leur respiration et le bruit de leurs pieds, qui heurtent en cadences les pavés de la rue.



Interrompus dans leur routine du matin, les passants s'arrêtent, se décalent et dévisagent des pieds à la tête, envers puis endroit, les fringants défenseurs de notre sécurité. Certaines (oui parce que c'est vrai que le regard des homme semble moins appuyé) sourient, d'autres tentent un commentaire moqueur ou carrément envieux sur l'air de "m'en faudrait pas beaucoup pour reprendre le jogging, moi".

Ainsi dévisagés, envisagés, soupesés et fantasmés, soumis aux regards de la foule anonyme, les hommes du feu font mine de ne rien voir et restent impassibles poursuivant leur entrainement au-delà du virage.

La scène est cocasse et reste bon enfant.

Mais la question se pose : ont ils conscience de l'effet de leur mini short, de leur t-shirt ajusté et de leur course dans la rue commerçante ou ont-ils simplement enfilé leur tenue règlementaire avant d'emprunter le chemin le plus court vers le parc municipal en bord de scène ?

L'histoire ne dit pas si dans ce cas très précis, les pompiers se sentent vexés, flattés, fatigués de trainer ainsi derrière eux cette image de sex-symbol, de Chippendales de proximité, de fantasmes ambulants.
Peut-être aussi aimeraient ils parfois passer inaperçu, glisser anonymes et transparents dans la ville pour faire leur travail... Ou bien alors, cet walk of fame est leur récré à eux, leur récompense dans un quotidien que l'on devine malgré tout bien moins glamour.

Finalement le pompier est-il une femme comme les autres ?


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