Les sages femmes sont en colère.
Elles veulent une reconnaissance de leur rôle dans le monde médical, une revalorisation de salaire à la mesure de leurs compétences et de leurs années d'études. Elles ne veulent plus être considérées comme des petites mains qui oeuvrent dans l'ombre de la star, le gynécologue obstétricien.
Elles ne veulent plus être confondues avec les doulas, ces femmes qui se proposent d'accompagner les grossesses et les accouchements comme aux Etats-Unis mais qui n'ont pas fait, elles, 5 ans d'études après le bac.
Elles ont des propositions à faire pour envisager autrement les naissances, pour réduire la facture de la sécurité sociale, pour stopper la surmédicalisation des grossesses et des naissances - celles sans soucis au moins, pour réduire l'engorgement des salles d'attente des gynécologues.
Depuis mi octobre, elles font grève.
Ou bien plutôt elles manifestent leur mécontentement en portant un signe distinctif pendant leur travail : blouse noire ou brassard, ça dépend. Elles distribuent des tracts aussi. Mais rien qui ne puisse se mettre en travers de leur mission : s'occuper des femmes et des bébés qui ont besoin d'elles. Simplement montrer ce qu'elles veulent, éveiller l'attention, engager la conversation.
Certaines s'excusent même parfois de demander une revalorisation de salaire et elles ajoutent toujours que leur service n'en pâtira pas, que les femmes accoucheront comme d'habitude.
Rien de violent
Rien de spectaculaire
Pas de quoi donner mal à la tête aux ministres qui ont bien d'autres fers aux feu.
Un mouvement super pas dans l'air du temps : souriant, non agressif, qui ne prend en otage personne.
D'abord, ça indiffère parce que ça nous parait tellement loin tout ça et puis..
On se dit que ça ne marchera jamais, que ça rime à rien, de faire la grève en travaillant.
Qu'elles devraient arrêter le travail
Laisser tous les suivis de grossesse, les accouchements, les retours de couche et le suivi des femmes, aux gynéco pour faire comprendre le poids de leur absence.
Faire comme les bonnets rouge, crier plus fort que la tempête, faire un grand tas de couches sales et mettre le feu dedans.
Et puis, semaine après semaine, leur détermination tranquille finit par épater.
On les voit, on les entend toujours.
Alors que la durée de vie d'une actualité dans les médias peine à dépasser un tour de cadran, elles sont là depuis bientôt un mois.
Elles tiennent bon.
Un jour ou l'autre elles vont gagner leur bataille.
A force de pédagogie et d'explications, les femmes vont comprendre. Et les hommes aussi. Et les demandes changeront et les mentalités aussi.
Elles ont l'habitude des marathons et des interlocuteurs difficiles.
Et pour cause, c'est leur job. Elles en ont vu d'autres.
Je le sais moi.
Depuis le 26 avril 1997.
J'étais jeune épuisée par 8 heures de travail sans péridurale, un peu désorientée par le gaz hilarant, et je m'étais mise en tête de dormir. Non, décidément, je n'avais pas envie de continuer, j'avais envie de manger et de dormir. J'avais trop mal, j'en avais trop marre. Le bébé attendrait.
Francette s'est approchée de moi, avec sa blouse et son drôle de badge en forme de schtroumpfette. Elle m'a dit sans s'énerver en plongeant son regard dans le mien et en me prenant le bras : "on va y aller ensemble, ce bébé il doit sortir"avec un ton qui n'admettait pas de réplique et une douceur immense.
On y est allées ensemble.
Jeanne est née peu après. En pleine forme.
PS : il y a pléthore d'articles sur le sujet actuellement. Cet
article de Marianne est récent mais il y en a tout plein d'autres. Et ce site officiel :
"avant on était sages"