Flemme, ennui et vacances scolaires

Photo Thomas Lélu sur son compte Instagram

Passer deux semaines de vacances à la maison, avec un.e enfant, sans ami à proximité, tout en imaginant pouvoir se ménager quelques heures de travail par jour invite à s'interroger sur son rapport à la productivité, au temps qui passe et à l'ennui.

Nous avons donc d'un côté une adulte qui rêve de pouvoir allumer son ordi et expédier ce fameux dossier XX0 avant de s'effondrer sur le canapé pour terminer le roman commencé début septembre, voire faire une sieste, voire regarder le dernier épisode de This is US raté dimanche dernier. Attention, la réalisation de cet objectif est semée d'embûches et implique d'abord de surmonter l'immense poil de la main, l'incommensurable flemme qui nous saisit à chaque fois que le mot XX0 s'affiche devant nos yeux.

Et de l'autre une enfant, heureuse comme un bernique accroché à son rocher, toute à sa joie de pouvoir enfin voir sa mère plus de 2 minutes le soir, et ailleurs que dans la salle de bains où celle-ci vérifie un brossage de dents qui sinon resterait une douce chimère parentale. Enfant, qui bien évidemment, n'est pas particulièrement de nature contemplative, et qui, rapidement, montre les signes d'un ennui absolu.

(...)




S'engage alors un bras de fer entre la mère, qui rêverait d'être à la place de sa fille  - s'ennuyer, ça ne lui est pas arrivé depuis 1976, l'année où elle s'est cassé le bras en grande section et a été privée d'école 1 mois, et la fille - brutalement sevrée d'un emploi du temps scolaire millimétré et qui voit ces grandes plages vides devant elle comme l'opportunité rêvée de se vautrer non stop devant le robinet à image de l'abonnement canal + extra super plus top de ses parents. Avec supplément Lindt au lait chouré en skreud dans le placard.


S'ensuivent des négociations dignes de Davos.

[Car oui, et je comprends que cet aveu puisse en décevoir plus d'un : on peut être multipare et totalement nulle en animation de communauté éducative restreinte. Voire même bâiller d'ennui avant même d'avoir ouvert la boite de Mille Bornes / La Bonne Paye / Uno. Voire même avoir envie de disparaitre plutôt que de bâtir un château de princesses en Kapla.]

OK pour une heure de télé mais je choisis le film.
A mon signal tu joues au Playmobil dans ta chambre et après promis, on fait un gateau au chocolat ensemble. D'accord pour 30 minutes de Subway Surf sur mon téléphone, mais après on va acheter du pain en faisant le grand tour et tu prends ta trotinette. Allez, fais un dessin pendant que je travaille un peu, pas longtemps.

A mesure que les jours passent, la vigilance faiblit. Persuader l'enfant que  la contemplation de la course des nuages par la fenêtre est une activité en soi devient un objectif au-dessus de nos forces. Le Goliath cathodique enfle et menace de prendre de plus en plus de place.

A mesure que les jours passent, la perspective de boucler le dossier XX0 devient aussi chimérique que le brossage biquotidien des dents de la petite fille.

Le constat est pourtant implacable : l'enfant est radieuse, elle affine ses arguments, démontre une puissance de conviction spectaculaire. Et on se retrouve de plus en plus souvent les mains dans la pate à sel et de moins en moins sur le clavier, nourrissant de ce fait, et en toute bonne conscience, l'immense poil dans la main.

Adieu donc bouclage du dossier XX0.

Et vive les règles simplifiées de la Bonne Paye, les circuits et petites voitures étalés dans le salon, les aventures en train et en métro sous le prétexte d'aller déjeuner avec une cousine, les coupes de cheveux improvisées après le bain et, quand même, les petits déjeuners en pyjama et doudou sur le canapé, bol de céréales d'une main, télécommande de l'autre (pendant que l'on rattrape au moins les affaires urgentes sur le Mac planté dans la ciusine).



Trois articles pour prolonger cette lecture ....

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Pourquoi ne pas ériger la nonchalance en art de vivre ?

Un éloge de la procrastination (en anglais)