jeudi 28 juin 2018

Chaos calme



Passer deux heures - juste deux heures, avec une classe d'enfants de 8 ans pour une mini sortie au marché, vaut toutes les retraites en monastère, les joggings de 2 heures, monodiètes et binge-watching de série.
L'effet est le même : pendant ce temps, on en perd toute notion (de temps), sauf au moment-flash où, prenant la mesure de la situation, on se demande ce qu'on fait là. Et pourtant en fin de compte, on se sent régénéré, nettoyé de l'intérieur (et dans le cas présent, un peu sourd quand même).

Imaginez une troupe d'une trentaine de garçons de filles parfaitement entrainés, au jeu finement réglé par 10 mois passés en communauté dans un bocal de 10 mètres sur 8. Chacun son poste : celui qui rend tout le monde marteau à force de trop d'énergie, la fille super fifille qui pleurniche, la bande de potes qui ne pense qu'à jouer au foot, la rêveuse, le costaud qui adore l'orthographe...
Arrivés au mois de juin, ils sont tous au max de la connivence et de leur capacité à partir en Live sur un sourire.
Fermez les yeux deux minutes et essayez de vous souvenir de votre classe de CE1.
Vous y êtes.
La même.

Le tout assaisonné d'une bonne dose de soleil , de bruit, de cris de joie, de cavalcades et d'arrêts "hauts les mains peau de lapin" devant un détail qui, à nous, pauvres adultes aux yeux collés par trop de pensées parasites, n'avait pas d'importance : au hasard, la forme d'un fruit, une lézarde dans le mur, une publicité dans la rue.

(la suite après le saut)




A 8 ans, et sans jamais avoir lu un livre développement personnel, sans même avoir essayé de lire un feel good book de Marc Lévy, les enfants ont cette capacité à vivre absolument, là, tout de suite, dans le temps présent tout en ayant une notion toute relative de l'autre.

Hier n'existe plus et demain se dessine de manière tellement flou qu'ils en restent à l'état de vague rêve sans filtre.

Sur le groupe de 6 (3 gars, 3 filles) sous ma responsabilité, j'ai compté 3 futures danseuses (une classique, une hip hop et une fermière), 1 rugbyman, 1 footballeur et 1 cuisinier. Nul programmeur informatique ni consultant en stratégie digitale.  En 1978 comme en 2018, on veut du concret, de l'art, du beau et du bon (et un peu de castagne aussi pourquoi pas).

A la question, somme toute innocente "quels fruits achète-t-on pour faire cette salade de fruits que vous allez cuisiner pour vos parents demain ?" commence un casse-tête à coté duquel le rubiks cube est un puzzle pour 0-3 ans. Car oui, certains n'aiment pas les bananes, d'autres ce sont les pêches tandis que les derniers font le geste de vomir à la simple évocation du mot "mangue".

On partira donc sur une recette - non pas dictée par l'alliance subtile des saveurs et des textures, mais par celle, toute union-européaniste de "consensus mou", à savoir : melon, fraise, pomme, framboise, citron.

1 heure plus tard, après avoir tenté de négocier le prix des fruits en toute innocence (vraiment ?) sans succès, avoir obtenu à force de loucher sur l'étalage une lamelle de comté chacun, un bout de crêpes et pas mal de sourires sous capes des commerçants faisant mine de rester indifférents devant leurs remarques, la bande est rentrée préparer sa salade.

Sous le regard totalement maitrisé de la maîtresse et celui, admiro-enthousiaste des parents accompagnateurs, hésitant entre partir en courant retrouver le calme de leur bureau climatisé ou rester gouter encore à la candeur explosive et joyeuse de leurs rejetons.


PS : le nom de ce post est celui - aussi d'un livre qui n'a rien à voir, quoi que, que je vous recommande vivement, écrit il y a un petit bout de temps par Sandro Véronesi.



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