mercredi 4 novembre 2009

Dans le Transilien


Je me suis glissée tout au fond du wagon sur une place de libre. En face de moi, un cadre en cravate qui fait des Sudoku niveau "excellence", c'est écrit dessus.
J'enlève mon écharpe.
Pardon, excusez-moi. Ah oui, excusez-moi, passez, je replie mes jambes sur le côté en prenant mon écharpe, mon sac et mon parapluie sur mes genoux.
Un couple se cale à côté de moi.
Mademoiselle face à moi et jeune homme à ma droite.
C'est parti pour 15 minutes d'yeux dans les yeux, serments éternels et petits noms d'amour.

Mais non.
Ca déraille sévère sur la trajectoire de Cupidon.
Là, dans la chaleur un peu endormie du Transilien, alors que le champion de Sudoku est remplacé par une dame qui lit un polar avec des lunettes retenues par une chaînette en argent.
Que je n'ai rien à lire et que je rêve en pensant à tout ce qui m'attend au bureau.
Alors que le train reste sans fin arrêté à une gare sans que personne ne bronche.

Mes deux amoureux, à droite, vivent un drame en chuchotant. En se dévorant des yeux. Sans jamais élever la voix. C'est vrai, le wagon est hyper silencieux et leur voisine a le nez en l'air. Ils sont dans leur bulle mais il y a comme des interférences avec le monde réel.
Je n'écoute pas vraiment, je n'entends pas tout et puis c'est un peu triste, non ?
Des grands constats rationnels qui font mal, des comptabilisations et des plaintes sourdes. Mais toujours en se dévorant des yeux. C'est un amour qui agonise sans bruit, sans se faire remarquer, sans coup d'éclat. Une fin d'amour avec beaucoup d'amour en quelque sorte, quand on ne veut pas se faire de mal mais qu'on n'en peut plus, qu'on n'est pas bien et qu'on veut aller mieux et qu'on ne sait pas si ce sera à deux ou tout seul.
Je me plonge dans mon mobile pour occuper mes mains et ne pas donner l'impression que je me divertis avec leurs difficultés. Je branche mes écouteurs sans le son, juste pour continuer à rêver sans faire ma curieuse.
C'est triste de se déchirer à 8 heures 42, un mercredi matin de novembre.
Je voudrais bien être Cupidon, tiens, et leur redonner un peu d'espoir. Ou alors John Legend, il a une chanson juste pour eux. Pour les amours qui se déchirent et qui ont besoin de temps pour trouver le bon rythme.
Le train entre poussivement en gare.
Je ré-ajuste mon écharpe, je mets de la musique dans mes oreillettes et je quitte le wagon.

Les deux amoureux n'ont pas bougé d'un pouce.
C'est dur de se quitter.
Même là.
Sur le quai de la gare. Après s'être tout dit, comme ça. En chuchotant, les yeux dans les yeux.

PS : Allez écouter la chanson de John Legend. Les paroles sont juste en dessous de la vidéo. Et c'est beau.

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