L'autre jour
Balibulle, blogueuse que vous connaissez peut-être, sans doute, sinon allez-y c'est chouette, est tombée en arrêt devant le catalogue Zara enfant (on dit lookbook quand on est lancé mais finalement c'est juste un catalogue) : la beauté de cette petite fille, ses vêtements, le bon goût de l'ensemble....
S'en est suivie une conversation assez houleuse dans les commentaires, entre pâmoison partagée (c'est vrai qu'elle est canon et super bien sapée cette minette) et sentiment de malaise ou d'inconfort devant la moue de la (petite) fille, cet air mélancolique et ces vêtements d'adulte.
De la difficulté de trouver une représentation de la jeune adolescence aujourd'hui.
Cette mannequin n'est plus une petite fille, elle n'est pas une ado et encore moins une femme. J'imagine qu'elle a 12-13 ans, qu'elle va au collège tous les jours et qu'elle change de photo sur son profil Facebook plus de fois en une semaine que nous tous en une vie.
Dans ces photos elle revêt tous les atours d'une jeune femme ou même d'une femme tout court. Mes filles de 13 et 15 ans pourraient s'habiller comme cela, mes vingtenaires de bureau aussi et moi, du haut de mes 42 ans aussi.
On dirait quand on la regarde comme ça qu'on pourrait aussi partager avec elle : nos conversations, nos loisirs, nos lectures. Comme si un jour, passé au collège on quittait l'enfance pour embrasser tout de go le monde des grands.
Et tout à coup on passe des goûters d'enfants aux dîners entre copines le samedi soir, aux sacs de marque et aux talons. Au vernis sur les doigts et au décolleté. Aux votes de classe et aux forums participatifs. Aux voyages en train en solo et aux soirées sans les parents. Aux vêtements de grandes parfaitement coupés et tellement jolis que même nos mères nous les chourent.
C'est ça qui me trouble.
J'ai l'impression qu'avant on avait tout au long de sa vie des rites de passages, des milestones qui faisaient comme des sas.
On avait des barboteuses et les cheveux longs,
puis de vrais pantalons et des couettes,
et puis des sandales qui claquent.
On se maquillait en cachette et ça débordait sur les joues, on cachait les talons de mamans sous on lit pour se pavaner devant sa glace dès qu'elle tournait le dos
Un jour on se retrouvait à essayer de twister ses habits de petite fille avec des pièces empruntés aux grands, un peu trop grands. On flottait dedans comme on flottait un peu tout court dans cet état entre deux, le temps de quitter l'enfance et de pouvoir enfin déplier ses ailes
Puis venait ensuite les oreilles percées, le premier bijou, les premiers talons, le premier mascara, le premier parfum.
Et le droit de regarder la télé après 22 heures.
Aujourd'hui on vit tout tout de suite. Paf à 11ans, la violence du monde et la prise de risque, la confrontation au doute et à l'excitation du saut dans le vide. Bing, le smartphone, l'open web, le porno sur youtube et les émissions de télé réalité, les manifs et le psy. La manucure et les films en VO.
Plus de sas, plus de palier, bim, dans le grand bain direct.
Et tout ça me saute à la tête quand je vois ces photos.
Et je ne sais fichtrement pas si c'est bien ou pas.