mardi 9 mai 2017

Aux aguets

Mélanie Allag 


D'où vient-on que l'on soit toujours aussi méfiants et plein d'inquiétude face à tout ce qui sort des clous ? D'où vient que, plutôt que d'accueillir l'inattendu avec excitation, joie et enthousiasme on cherche toujours le loup ? Qu'on se dresse sur ses pattes, l'oeil inquiet et le jarret souple, prêt à bondir à la gorge ou à l'abri ?
On crie au complot, au storytelling, à la dissimulation, on suppute, on se tord les mains, on manifeste et on proteste. On imagine, on croit deviner les signes, on émet des soupçons, on pense déjouer la manipulation.

Après une campagne présidentielle aussi rude qu'incroyablement pavée de rebondissements et de déceptions, nous avons un nouveau Président.
Bon ou mauvais, providentiel ou pas, certainement armé d'une motivation hors du commun et d'une réserve de sommeil quasi inépuisable.
On ne sait rien de lui ou quasi en dehors du tombereau d'images, de rumeurs, de petites histoires plus ou moins chuchotées.
Mais cette année, et encore plus que jamais, cet homme ne pourra même pas bénéficier de ce fameux état de grâce avec lequel on accueille parfois les nouveaux.





Difficile de fermer les yeux et les oreilles devant les tristes sires qui pointent un doigt accusateur quand on le voit sourire, quand on le voit sérieux, quand il embrasse sa femme, quand il ne l'embrasse pas.
Pire, on finit tout seul par chercher l'embrouille : trop beau, trop jeune, trop ambitieux, trop calme, trop intelligent, et puis cette femme si vieille, si amoureuse, si présente. Et cette équipe si inconnue, si colorée, en baskets et en casquette c'est pas sérieux. Et cet enthousiasme affiché. Et ce serment d'amour (*) qu'il nous fait.
Sûr, ça ne peut nous mener qu'à la catastrophe, au chaos.
C'est mathématique, non mais ouvrez les yeux (bouhhhh)

Il va falloir être vigilant, ne pas baisser la garde, être prêts à prendre la Bastille s'il le faut.
Attention, attention ! Et on fait marier les "si" et les "imagine" et les "c'est sûr".

On a  mille et une bonnes raisons d'être méfiants, c'est sûr, c'est certain même. Comme qui dirait qu'on sort pas d'une balade en forêt au printemps.

Mais on on a autant de raisons d'arrêter de voir le mal partout avant même qu'il se manifeste, bon sang.

Parce que ça rend tout moche, parce que ça paralyse, ça rend aigri et jaloux. Et que l'on ne sait au fond de nous, que rien de bon ne sortira de ça. Et on n'est pas comme ça.  On sait, nous, que face à un enfant qui hurle, qui crie, qui râle, le meilleur remède est souvent de se mettre à sa hauteur, de le regarder et d'accepter sa haine, sa douleur et de lui proposer en retour ... notre amour, notre confiance et nos câlins.

Alors oui, ça fait new age démodé années 80 de dire tout ça, ça sent un peu trop le loukoum à la rose, le chamallow mellow.

Mais essayons au moins de nous extirper de notre carapace de méfiance et tentons de nous détendre 5 minutes pour regarder avec un oeil neuf les jours qui s'annoncent. On ne sait jamais, ça pourrait marcher.


(*) « Et enfin mes amis, je vous servirai. Je vous servirai avec humilité, avec force. Je vous servirai au nom de notre devise : liberté, égalité, fraternité. Je vous servirai dans la fidélité de la confiance que vous m’avez donnée. Je vous servirai avec amour. »
 



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